Mon Général,

Voici ce que j’écrivais le 9 Septembre 2021, quelques jours après votre putsch réussi du 5 Septembre : « Ouf, l’honneur est sauf : l’armée guinéenne a enfin réussi le premier coup d’Etat de son histoire ! Elle a enfin osé destituer un despote qui se croyait invincible ! Le courage et l’abnégation du Lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya méritent d’être salués. Personnellement, je le remercie de m’avoir fait passer l’un des plus beaux dimanches de mon existence. Savoir que mon pays s’est débarrassé d’un chef d’Etat aussi nuisible qu’Alpha Condé (sans doute, le pire que la Guinée n’ait jamais connu) est une vraie délivrance… »

C’est dire si j’étais enthousiasmé par votre arrivée au pouvoir, enthousiasme d’autant partagé par la majorité des Guinéens que votre premier discours donnait à rêver. Je mettais cependant un bémol à cet enthousiasme, échaudé comme tout le monde, par les désastreuses expériences du pouvoir kaki :

 « A ma connaissance, Yacoubou Gowon, Sangoulé Lamizana, Jerry Rawlings, Thomas Sankara et Ali Saïbou sont les seuls militaires africains à avoir apporté quelque chose de positif à leur peuple. Tous les autres les ont plongés dans le cycle sans fin de la misère et de la répression. De quel côté s’inscrira le destin du Lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya ? Seul l’avenir nous le dira. »

Vous n’étiez alors qu’un illustre inconnu mais, votre destin semblait tout tracé. Notre incurable naïveté de Guinéens nous faisait croire que vous étiez le sauveur, le messie tant attendu, l’homme-miracle qui allait nous sortir du trou sans fond dans lequel nous ont plongés vos diaboliques prédécesseurs. Trois ans après, nous sommes bien obligés de déchanter. Vous réunissez en vous la cruauté de Sékou Touré, la corruption de Lansana Conté, l’hystérie de Dadis Camara, l’incompétence notoire de Sékouba Konaté et le machiavélisme d’Alpha Condé. Bref, vous êtes 5 catastrophes en une ! Plus personne ne veut de vous et vous le savez bien !

Comment, mon dieu, peut-on rater un destin aussi prometteur et en si peu de temps ? Si vous aviez tenu parole, si vous vous étiez contenté d’une transition brève en en respectant intégralement la Charte, vous seriez revenu au pouvoir un ou deux mandats plus tard, en vous faisant élire dès le premier tour et vous auriez inscrit votre nom en lettres d’or dans la glorieuse histoire de ce pays.  Mais non, vous avez reproduit une à une les conneries de vos prédécesseurs, encouragé en cela, par les bouches affamées qui bavent autour de vous pour vous couvrir de faux lauriers et de la gloire plus que douteuse qui va avec.  

Nous attendions un nouveau Rawlings, c’est un autre Dadis Camara qui est là. C’est triste pour nous, c’est surtout triste pour vous. Je vous avais pourtant prévenu : « Quant à notre nouveau président, il doit prendre conscience de la charge considérable qui pèse sur ses épaules. Je l’invite à ne rien dire et à ne rien faire de ce qui a été dit et fait dans ce pays depuis 1958. Du nouveau ! le peuple de Guinée a besoin de nouveau. Si comme Rawlings (j’espère que c’est à dessein qu’il l’a cité !), il réussit à incarner le renouveau, si comme Rawlings, il réussit à se départir de l’influence nocive de la parentèle, pour regénérer l’espoir alors, il deviendra tout naturellement la plus belle figure de notre histoire moderne. Mais comme je le disais hier sur les ondes de RFI, s’il a le malheur d’imiter ses horribles prédécesseurs, alors qu’il sache bien qu’il finira comme eux. Dans la boue ! »   

 On ne ruse pas avec l’Histoire, Général Mamadi Doumbouya. La voie que vous avez choisi de suivre est une impasse. Respectez la Charte de La Transition, c’est d’elle que vous vient le peu de légitimité qui couvre votre nudité de putschiste ! Respectez l’échéance électorale de décembre et partez ! Ne finissez pas dans la boue comme l’ont fait Alpha Condé et Dadis Camara : partez pendant qu’il est temps ! Partez !

Tierno Monénembo