Devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), les autorités burkinabè sont sorties de leur silence sur le sort des journalistes disparus depuis juin : l’armée les a réquisitionnés. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des enrôlements forcés afin de faire taire des journalistes critiques du pouvoir, et demande aux autorités d’apporter des informations quant à leur localisation et leur état de santé. 

Une première en près de 4 mois. Ce 24 octobre, après plusieurs interpellations de RSF dont une tribune signée par 50 journalistes africains, les autorités burkinabè ont finalement communiqué sur le sort réservé à trois journalistes et chroniqueurs enlevés, disparus depuis juin dernier.

Lors de la 81 session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) tenue à Banjul en Gambie, la délégation du Burkina Faso, interrogée à ce sujet, a levé le voile. Le directeur général des droits humains au Ministère de la justice du Burkina Faso, Marcel Zongo, a affirmé que Serge OulonAdama Bayala et Kalifara Séré n’ont pas fait l’objet de disparitions forcées.” Les journalistes ont en réalité été réquisitionnés “sur la base du décret portant mobilisation générale et mise en garde”. Interrogé par RSF après sa déclaration, Marcel Zongo a indiqué ne pas souhaiter faire “plus de commentaires”
 
“Pour la première fois en 4 mois, les autorités burkinabè assument un secret de polichinelle : Serge Oulon, Adama Bayala et Kalifara Séré, disparus en l’espace de 10 jours en juin, ont bien été réquisitionnés de force par l’armée. RSF dénonce ces conscriptions, pratique extrême visant à “punir” et réduire au silence des journalistes d’investigation et des chroniqueurs critiques du pouvoir. L’organisation demande au régime d’Ibrahim Traoré d’apporter plus d’informations quant à leur situation, et de se prononcer sur le sort réservé au journaliste Alain Traoré, toujours disparu également. Ces journalistes doivent retrouver leurs familles sans plus tarder et pouvoir exercer leur métier au service de l’intérêt général : celui de nous informer« , déclare Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Le 19 octobre, RSF est intervenue devant la CADHP afin que la Commission interpelle les autorités burkinabè sur les disparitions forcées de quatre journalistes, dont Alain Traoré, qui n’a pas été mentionné par les autorités burkinabè. Au moins trois commissaires ont interrogé le Burkina Faso à leur sujet. 
Cela fait 4 mois jour pour jour qu’Atiana Serge Oulon a été enlevé à son domicile par des membres présumés de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Le directeur de publication du journal d’investigation L’Événement, référence en la matière, était l’un des derniers journalistes à publier sur des sujets sécuritaires. Alain Traoré, rédacteur en chef du bureau “Langues nationales” du groupe de presse privé Oméga Médias a vécu la même situation. Kalifara Séré et Adama Bayala, deux chroniqueurs régulièrement invités sur la chaîne privée BF1 et réputés pour leurs critiques des actions du gouvernement, ont également disparu les 19 et 28 juin à Ouagadougou.
Le Burkina Faso occupe la 86e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2024 par RSF. 

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