Le pari était risqué pour le Premier ministre, Amadou Oury Bah. Il en a bien le niveau, mais il a préféré éviter le débat avec celui que les « esprits CNRD » qualifient d’inexpérimenté, Aliou Bah du Mouvement démocratique Libéral (MoDeL). Sûr qu’il a été sommé par le sommet de faire profil bas. Le rendez-vous n’augurait rien de bon pour le Premier ministre. Si, sur la forme, l’homme peut débattre avec n’importe quel acteur ou observateur de son pays, sur le fond, l’exercice était périlleux. Bah Oury défend aujourd’hui ce qu’il a condamné hier, accorde à son patron du jour ce qu’il a refusé au capitaine Moussa Dadis Camara.
Acteur majeur de la manifestation de septembre 2009 dont l’objectif était de dénoncer la candidature éventuelle du président de la transition d’alors, Bah Oury est aujourd’hui un fervent défenseur de la candidature du général Mamadi Doumbouya. Défendre cette position devant l’un des rares hommes politiques guinéens qui restent encore dans le pays à ses risques et périls ou devant une avocate (Me Halimatou Camara) dont le cheval de bataille est l’instauration de la démocratie et de l’Etat de droit, n’était pas une promenade de santé pour le Bah Oury. C’est pourquoi, si les informations selon lesquelles c’est le Palais Mohammed V qui a mis son véto pour ce débat se confirment, ce refus aura soulagé l’occupant du Palais de la Colombe, qui a signé forfait.
Des deux maux, il a choisi le moindre : la risée populaire contre défendre l’indéfendable, une levée de boucliers. Le ridicule ne tue pas, ses partisans estiment que le PM n’a pas à débattre avec un homme qui n’a pas occupé de hautes fonctions dans son pays, comme l’explique pertinemment et brillamment Aliou Bah dans son dernier livre « Parcours », ses détracteurs estiment qu’il n’a pas d’expérience. Alors qu’en même temps, ils accusent ceux qui ont de l’expérience d’avoir pillé le pays. Finalement pour le nouveau SYSTEME, tous ceux qui ne regardent pas dans la même direction que le pouvoir en place sont étiquetés.
Pour les partisans du pouvoir, Bah Oury ne doit pas débattre avec Aliou Bah, parce que celui-ci n’est pas son égal. Il est fort à parier que si un débat était programmé avec Sidya Touré, le Premier ministre trouverait une nouvelle excuse pour éviter de mettre à nu la gouvernance actuelle. Refuser de débattre est contreproductif. Il atteste, s’il en était besoin, que le pouvoir du Premier ministre s’arrête là où commence celui de son chef.
Ceux qui espéraient encore un dialogue avec le pouvoir militaire sont servis. Désormais, la communication se fait en sens unique. Le CNRD dicte aux Guinéens sa volonté. La dérobade de Bah Oury n’augure rien de bon pour les radios et télévisions privées fermées depuis près de 7 mois. La junte ne tolère pas la contradiction. C’est le retour à la pensée unique et aux méthodes iniques, marqueur de la Refondation.
Habib Yembering Diallo