Les chefs d’Etat de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont retrouvés le 15 décembre à Abuja, au Nigéria, pour débattre essentiellement de questions sécuritaires et de la décision des Etats de l’AES (Alliance des Etats du Sahel) de quitter l’Organisation communautaire, à la date du 29 janvier 2025.
De toute évidence, le divorce semble inéluctable, consommé. Les autorités maliennes, burkinabé et nigériennes n’ont de cesse de clamer partout et à tout moment que leur décision d’abandonner le navire était dorénavant irréversible. La CEDEAO a beau infléchir ses positions, l’AES reste de marbre, le mal est fait et il reste irréparable en dépit des interventions diplomatiques des Présidents Djomaye Faye et Faure Gnassingbé. Mais comment en est-on arrivé là ?
La charte fondatrice de la CEDEAO et le protocole additionnel visant à améliorer la gouvernance dans l’espace communautaire font obligation aux Etats parties prenantes de condamner toute alternance non démocratique, sous peine de sanctions politiques et économiques édictées et connues de tous : suspension de la participation aux rencontres, interdiction de voyager et gel des avoirs des auteurs de coups d’Etat, gel des avoirs publics, etc. Vis-à-vis du Niger dont le putsch semble vraiment fantaisiste aux yeux de tous, le Président Mohamed Bazoum ayant été démocratiquement élu et étant en cours de premier mandat, les sanctions ont été dures. Le Nigéria et un certain nombre de pays ont envisagé l’intervention militaire pour chasser Tiani et les siens et remettre en selle le Président renversé. Sur le plan économique, il a été interdit à cet Etat d’accéder à ses ressources déposées à la BCEAO (Banque Centrale des Etats d’Afrique Occidentale) le privant de l’essentiel de ses moyens de paiement et l’entraînant vers la posture de pays en cessation de paiement. Trop c’est trop, ont alors proféré les trois Etats sahéliens qui ont décidé de suspendre leur participation aux travaux des organes communautaires en attendant d’en partir définitivement. Outre les sanctions, le Mali, le Niger et le Burkina Faso reprochent à la CEDEAO son indifférence vis-à-vis des agressions djihadistes.
Toutefois, la CEDEAO a les avantages d’un marché commun dont tous les Etats profitent : libre circulation des personnes et des biens, liberté d’entreprendre partout dans l’espace, existence de structures judiciaires communautaires, existence de l’OHADA, volonté et effort de création d’une monnaie unique communautaire. Au regard de ces multiples et importants avantages, beaucoup d’observateurs avisées s’interrogent sur l’opportunité du divorce impromptu des trois Etats sahéliens dont aucun, de surcroît, n’a une ouverture maritime et sont donc obligés d’utiliser des ports des pays dont ils se séparent. Dans sa stratégie géopolitique en Afrique subsaharienne, le Maroc miroite la construction d’une voie transsaharienne reliant les trois pays de l’AES à des ports du Royaume Chérifien. Mais les voies menant à Cotonou, Lomé, Accra, Abidjan et Dakar ne sont-elles pas plus courtes et plus sûres ?
Depuis des décennies, terroristes, djihadiste et bandits de tout acabit écument le Sahel et rendent sa traversée périlleuse. Aussi, en dépit des nombreuses critiques acerbes et parfois fondées, dont on l’accable, la zone Franc CFA a bien des avantages partagés dont le moindre n’est pas la solidarité monétaire. Combien d’Etats se vantant de la souveraineté monétaire sont économiquement plus performants que les Etats membres de l’UEMOA ? On peut parier que si les membres de l’AES avaient attentivement écouté leurs experts monétaires et financiers avant de prendre cette décision cruciale à la hâte, sur la base de considérations politiques et d’hypertrophie d’égo, ils auraient agi autrement. Les intérêts des populations auraient prévalu. Ils se retrouvent à présent dans une situation où ils tournent en rond, tournés en bourriques par les djihadistes.
Abraham Kayoko Doré