Alors que le gouvernement Bah Oury est en immersion en Guinée forestière (sud du pays), le Bloc libéral soutient avoir été empêché par les autorités de tourner dans la même région. Son leader, Faya Millimouno, s’en est plaint au cours d’une conférence de presse animée ce jeudi 6 février au siège du parti, à Lambanyi. Il en conclut que le pouvoir de Mamadi Doumbouya est comparable à celui de Moussa Dadis Camara.

Faya Millimouno a ouvert sa conférence par un merci tardif à la presse guinéenne, dont le rôle fut crucial pour l’obtention de l’agrément du Bloc libéral, il y a plus de dix ans. Il se dit peiné par la situation peu enviable de la corporation, faite de fermeture de médias et d’attaques contre les journalistes.

Dans son adresse à la nation du 31 décembre dernier, le président de la transition avait annoncé la reprise, dès janvier 2025, des activités politiques. Le prenant au mot, le Bloc libéral a planifié une tournée dans le sud du pays. Occasion pour présenter ses condoléances aux familles des victimes du drame du 1er décembre à N’zérékoré et célébrer les 12 ans du parti à Lola. Ces événements n’auront pas lieu. « Nous avions prévu de faire des meetings publics à Yomou, Lola, Beyla, Macenta, Guéckédou, Kissidougou et Faranah, mais toutes nos demandes ont été refusées par les autorités locales », explique, dépité, Faya Millimuono.

Des immersions sans résultats ?

Il pointe la responsabilité du gouvernement de Bah Oury. « J’ai adressé une lettre au ministre de l’Administration du territoire qui n’a même pas été répondue. Ils se sont contentés d’une communication verbale, me disant qu’il faut attendre la fin du processus d’évaluation [des partis politiques]. À l’intérieur du pays, les préfets, les gouverneurs, les sous-préfets nous ont donné des réponses de refus de toute manifestation politique dans leurs localités. »

Privé de tournée, Faya Millimouno critique l’immersion gouvernementale. Il rappelle au passage que la précédente, sous Mohamed Béavogui, n’avait rien changé à la précarité des Guinéens. « Le budget utilisé pour ces déplacements aurait pu rénover des écoles, équiper des centres de santé, ou encore construire des routes et ponts », tance le président du Bloc libéral.

Abordant La marche pour l’unité et la paix récemment organisée à Kankan par les autorités de la transition et leurs thuriféraires, le président du BL trouve l’initiative sans objet. « Ce qui menace la paix en Guinée, c’est le système en place depuis trop longtemps. Il faut s’attaquer aux véritables causes des divisions plutôt que d’organiser des manifestations dénuées de sens », tacle le politicard.

Quant au programme Simandou-2040, Faya Millimouno appelle à plus de transparence dans la gestion des ressources du pays. « Nous savons faire la différence entre un projet et un programme. Nous comprenons bien ce concept, mais nous voulons la clarté de ça. » Il réclame par ailleurs la lumière sur les luxueux véhicules offerts aux nombreux louangeurs du pouvoir.

Quand l’histoire bégaie

Comme s’il avait un compte à régler avec Bah Oury, Faya Millimouno est revenu sur le passé de l’actuel Premier ministre. Rappelant son rôle dans l’organisation de la manifestation du 28 septembre 2009 qui avait dégénéré en massacre, il se dit choqué par son soutien à une éventuelle candidature de Mamadi Doumbouya à la prochaine élection présidentielle. « Bah Oury, qui a témoigné contre Moussa Dadis Camara au procès du massacre du 28-Septembre, doit lui demander pardon. Il est impliqué dans la promotion de la candidature de Doumbouya, alors qu’il condamnait autrefois celle d’un autre militaire », a-t-il fustigé. « Je suis déçu de Bah, le CNRD a échoué », martèle le patron du BL.

Selon lui, la Guinée revit les mêmes épisodes de son histoire. Une candidature du général Doumbouya serait une menace à la stabilité du pays. « Nous ne sommes pas des enfants. Les Guinéens veulent la vérité », clame le conférencier, non sans mettre en garde contre une tentative de confiscation du pouvoir. « J’insiste auprès du président Mamadi Doumbouya, sa candidature sera beaucoup plus une menace à l’unité et à la paix », prévient l’opposant.

Pour étayer ses propos, Faya Millimouno fait le parallèle entre le rôle que joue le Général Amara Camara, actuel ministre Sécrétaire général à la Présidence, pour la candidature de Mamadi Doumbouya, et celui du Colonel Moussa Keïta, au temps de Moussa Dadis Camara. Quant à la « propagande » d’Alhoussein Makanéra Kaké, il l’assimile à celle, autrefois, d’Aly Kansory Mané du Mouvement Dadis doit rester. Il signale que ces derniers ne croupissent pas en prison, contrairement à Dadis. À bon entendeur salut !

Abdoulaye Bah