Les sexagénaires et autres septuagénaires ou octogénaires se souviennent sans doute du conte de Karibi : un homme aimait avec avidité l’or, il en réclamait chaque jour aux génies de la brousse. Ceux-ci accédèrent à sa requête, l’avertissant néanmoins qu’il n’en serait pas pour autant heureux. Il eut beaucoup d’or mais ses enfants naissaient, qui avec une pièce d’or dans l’œil, qui avec une pièce d’or dans les oreilles, qui avec une pièce d’or sur la bouche. Chaque enfant naissait avec une infirmité, ce qui mettait Karibi dans une profonde tristesse. Il comprit que l’or ne fait pas le bonheur. Il rendit l’or aux génies et ses enfants devinrent normaux.
Guerres fratricides
Cette allégorie à l’échelle individuelle est aussi vraie à l’échelle des nations. N’entend-on pas fréquemment parler de minerais du sang ? Les pays où il y a abondance de ressources minières sont souvent agités par des guerres fratricides ou d’origine exogène. Les conflits armés peuvent être récurrents et de longue durée, au point de rendre vains tous efforts de développements. Les guerres en Sierra Leone, au Tchad et singulièrement en République démocratique du Congo, en sont l’illustration.
Les Guinéens, qui brillent par leur verve épique ou lyrique, vous diront que la RDC est un scandale géologique. Il n’y a certainement pas de minerais connus qui n’existe dans le sous-sol de ce vaste pays qu’on ne s’abuserait pas de qualifier de sous–continent. Par ses ressources humaines, minières et agricoles, il a fait les beaux jours du roi des Belges et de son Royaume. Les jours ont été si merveilleux que le Roi Léopold en a fait, non une colonie, mais une propriété personnelle qu’il exploitait comme telle, exactement comme on le ferait avec son champ, sa tapade !!!
Il paraît que, dans cette immense propriété, à l’aube des années d’indépendance, on ne comptait qu’une petite dizaine d’universitaires. Les Belges ont trouvé une formule géniale dont ils usaient à outrance : « Pas d’élites, pas d’ennuis ». Quel cynisme !
Le vice du séparatisme
C’est donc à son corps défendant, que le « proprio » daigne se séparer de la terre des Bantous, lorsque s’impose l’indépendance. En réalité, les Belges et leur roi, comme le roseau sous la tempête, plient mais ne rompent pas. Ils ont concocté des stratagèmes, cocktail de ruses, de duperies et de guerres. Ils parviennent à rapidement diviser les jeunes leaders politiques congolais en clans rivaux. Ils inculquent en Moïse Tchombé le vice du séparatisme. Celui-ci proclame l’indépendance de la riche province du Katanga qui devient une république en dehors du Congo. Cette posture aboutit à la première guerre du Congo, aussitôt l’indépendance acquise.
Le leader katangais est financièrement appuyé par les sociétés minières occidentales et militairement par la Belgique. Les troupes katangaises sont entrainés par des mercenaires français, belges et sud-africains.
Le Premier ministre, Patrice Lumumba, est arrêté, emprisonné et assassiné. Les Nations-Unies déploient au Congo une force pour combattre les forces katangaises et rétablir l’ordre. Dans cet imbroglio, le Secrétaire général des Nations-Unies d’alors, Dag Hammarskjold, meurt dans un suspect crash d’avion, entre le Katanga et la Zambie. Le désir du grand capital de faire main basse sur la fabuleuse richesse minière du Katanga entraine la première guerre du Congo.
En 1974, les gendarmes Katangais reviennent à la charge et font encore parler d’eux. Sans Moïse Tchombé. Cette fois-ci, grâce au roi du Maroc, Hassan II et au Président Français, Giscard D’Estaing, la rébellion a des conséquences moins dramatiques.
Génocide rwandais et répercussions
Quelques années paisibles s’égrènent. C’est l’ère de gloire du Mobutisme. Le Congo, devenu le Zaïre, fréquemment cité en modèle de développement. Comme le pouvoir use, le vieux Léopard, au bout de 30 ans au sommet de l’Etat, dans les années 1990, avait les dents et les griffes émoussées. Aux frontières de son Zaïre qu’il sublimait, des évènements qui vont l’emporter. Le mouvement rebelle tutsi, le Front populaire rwandais, aidé des Ougandais est sur le point de renverser le Président Juvénal Habyarimana. L’avion transportant les Présidents du Rwanda et du Burundi, deux Présidents Hutus, est abattu au-dessus de Kigali. Ce qui provoque l’ire des Hutus du Rwanda qui massacrent alors leurs compatriotes Tutsis. C’est le génocide dont la mauvaise gestion par les forces onusiennes et françaises est dénoncée. Les responsables du FPR, dont Paul Kagamé, reprochent à la France de protéger les génocidaires et faciliter leur fuite à l’étranger. Du Zaïre, certains partiront à l’assaut du Rwanda. En représailles, le Rwanda active et aide les mouvements rebelles contre les autorités zaïroises. La guerre qui en naît aboutira à la chute de Mobutu et à l’ascension de Laurent Désiré Kabila qui ne tarde pas à être assassiné. Sous son fils Joseph Kabila et sous Félixe Tsitchékédi, la guerre à l’est du pays est récurrente. Les mouvements rebelles, notamment le M23 porté à bout de bras par le Rwanda, y sévissent. Ils viennent, ces dernières semaines, d’investir Goma et sont sur le point d’occuper Bukavu. Le syndrome du déclin du régime mobutiste hante les esprits.
Le pillage des immenses richesses minière du Congo par le Rwanda et ses proxys est l’enjeu de ces guerres que seule une armée congolaise modernisée, bien entrainée et mieux équipée peut éradiquer.
Abraham K. Doré