De plus en plus, des Guinéens sont enlevés par des inconnus et d’autres Guinéens ramassent les miraculés rescapés, laissés pour mort par leurs ravisseurs. Alors qu’on est sans nouvelles de la plupart des otages, le chapelet des disparus s’allonge à mesure que ramadan approche.  

Le 10 juillet 2024 à l’aube, des fidèles de retour de la mosquée sont tombés sur un étrange « colis » matinalement déposé à Boulbinet, quartier populeux du centre-ville de Kaloum. Non loin du Camp militaire Makambo. Incapable de marcher, ni même d’avaler de l’eau chaude, décrit un de ses proches, le jeune Mohamed Cissé avait été enlevé la veille nuit avec Oumar Sylla alias Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah. Tous trois responsables du Front national pour la défense de la constitution, FNDC. Moins connu et plus chanceux que les deux autres, Cissé a miraculeusement été relâché par ses ravisseurs : des hommes en uniforme armés et encagoulés qui les avaient cueillis au domicile de Foniké Menguè, avant de les conduire vers une destination inconnue.

Ce 19 février 2025, alors qu’on est toujours sans nouvelle des leaders du FNDC, auxquels se sont ajoutés, entre temps, Saadou Nimaga et Habib Marouane Camara, un autre activiste de la société civile a été enlevé à 4h à son domicile, à Kirotty (commune de Lambanyi). Un commando d’une dizaine d’hommes armés, cagoulés, portant de pantalons en treillis, de bodys noirs, de gilets pare-balles et à bord de trois véhicules V8 de couleur noire, a rendu une visite musclée à Abdoul Sacko. Ce dernier est coordinateur du Forum des forces sociales de Guinée, membre des Forces vives de Guinée, militants pour un retour à l’ordre constitutionnel.

Muni d’une photo de celui qu’ils recherchaient, les visiteurs auraient rossé des voisins pour les motiver à leur indiquer diligemment chez les Sacko. Une fois la maison repérée, ils n’ont pas réussi à défoncer la porte. Très inspirés, ils ont perforé le plafond depuis la terrasse pour s’introduire et pêcher l’activiste qui terminait sa prière. Après l’avoir ligoté et chatouillé, ils se sont volatilisés dans la nature.

Tortures, menaces de mort…

Aux environs de 17h, coup de théâtre ! Le disparu est retrouvé à Maférinyah par des paysans, dans un champ…de bataille ? Toujours est-il qu’il était « dans un état critique, torturé et abandonné par ses ravisseurs, en brousse près du Camp 66, dans la préfecture de Forécariah », précise un communiqué du collectif des avocats (sans vinaigrette) d’Abdoul Sacko. Selon des proches de l’ex-otage, celui-ci a été promené quatre heures durant à Cona-cris avant d’atterrir à Forécariah, dans un lieu qui reste à élucider. Même qu’une heure de voiture séparerait sa destination initiale du lieu où il a été retrouvé.

Des langues fourchues jurent, la main sur le palpitant, qu’il a passé un bref séjour à Kalako, la base-arrière du Groupement des forces spéciales, située à environ 113 km de la capitale. Ce qui ne serait pas inédit pour un civil, car tous les ministres, du goubernement Béavogui à celui d’Amadeus Oury, en passant par celui de Nanard Goumou, y ont séjourné. Histoire d’être plus endurants et solidaires dans leur mission.

Sauf que les myalgies ressenties par nos ministres résultent d’épreuves du parcours du combattant auxquels on les a soumis, pour dégraisser un peu les coriaces bedaines. Or, Abdoul, lui, a dû suivre des soins intensifs une fois ramené à Cona-cris dans la soirée du 19 février. « Il a des blessures aux bras, parce qu’on l’a ligoté et, au dos, à cause des sévices qu’on lui a infligés », explique une source anonyme qui assure toutefois que l’activiste n’a pas eu de bras fracturé, comme soutiennent des langues volubiles. « Ceux qui l’ont enlevé ont proféré des menaces du genre : “On va vous éliminer tous, si vous continuez de parler” », renchérit la même source.

Trouver x

Le 17 janvier dernier, une plainte contre x a été déposée au parquet du tribunal de Dixinn, pour menaces contre Abdoul Sacko et huit autres membres du Forum des forces sociales de Guinée. Les plaignants se savaient déjà dans l’œil du cyclone, mais leur alerte n’a pas permis d’enrayer la menace. Aujourd’hui encore, leurs avocats (sans vinaigrette) invite le pro-crieur de la République à « prendre les dispositions idoines pour situer l’opinion nationale et internationale sur les auteurs de cet enlèvement et les traduire devant la justice ». Amen !

« L’Ambassade des États-Unis à Conakry est soulagée après la libération de l’ancien participant aux programmes d’échange du gouvernement américain, Abdoul Sacko, mais demeure profondément inquiète suite aux informations concernant sa condition médicale et le traitement qu’il a subi en captivité », a réagi la représentation diplomatique du Pays de l’Oncle Sam. « Aux côtés du peuple guinéen, nous attendons les résultats d’une enquête du gouvernement sur son enlèvement. Nous nous joignons à l’appel du public guinéen pour obtenir des informations sur d’autres personnes toujours portées disparues, notamment Oumar Sylla alias « Foniké Menguè », Mamadou Billo Bah et Habib Marouane Camara. Tout le monde mérite justice selon le droit guinéen », ajoute le communiqué publié le 21 février.

Le pro-crieur général près la Cour d’appel de Cona-crime avait promis de traquer les ravisseurs de Billo et Foniké jusqu’à leur dernier retranchement. Plus le temps passe, plus la liste d’otages s’allonge. Le leader du Bloc libéral Faya Mini-mono se dit à son tour menacé par des anonymes. Désormais, le politicard s’oppose dans la clandestinité. Prière de passer l’info à Fallou Doum-bouillant, si vous le croisez.

Diawo Labboyah

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