Le 10 mars, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée a limogé, coup sur coup, le trésorier national et le coordinateur des fédérations de l’intérieur du parti. L’opération coup de balai intervient dans un contexte de crises sans précédent. Décryptage.

Cellou Dalein Diallo n’a pas attendu la sortie du décret de nomination de ses « traîtres », pour les congédier (de leurs postes). « Mr Kalémodou YANSANÉ, Vice-Président chargé des Affaires Économiques et Financières, est nommé, à titre intérimaire, cumulativement à ses fonctions, Trésorier National du Parti en remplacement de Mr Mamadou Maladho DIALLO », annonce la première décision. La seconde, prise concomitamment, complète : « Mr Abdoulaye BAH, Conseiller Politique du Président, est nommé Coordinateur des Fédérations de l’intérieur en remplacement de Mr Mamadou Cellou BALDÉ. »

Les décisions, signées d’une main ferme du leader de l’UFDG quoiqu’en exil, ne sont pas motivées. Elles se contentent d’acter leur remplacement. Si Maladho Diallo et Cellou Baldé siègent au Conseil politique, ils devaient leurs postes à la seule discrétion de celui qui vient de les relever. Ce dernier peut donc arguer l’avoir fait à sa discrétion. Sauf qu’il n’y a pas de feu sans fumée. Une semaine auparavant, la direction nationale de l’Union des forces démocratiques de Guinée s’était fendue d’un communiqué caustique pour vilipender une rencontre discrète, le 27 février, entre les limogés et le président de la transition, le général Mamadi Doumbouya.

Une mesure qui divise

Ledit communiqué s’offusquait « d’une politique de débauchage des cadres de l’UFDG initiée par le CNRD », à l’insu du parti. « L’UFDG tirera toutes les conséquences de la participation, plus que suspecte, de ses cadres à cette rencontre avec le Président de la Transition », martelait le même document qui, de l’avis de certaines sources internes, n’émanerait que d’une poignée de personnes. Sa publication, le ton employé, diviseraient au sein de l’UFDG où on peine à solder le contentieux résultant de l’exclusion jugée illégale d’Ousmane Gaoual Diallo. Comme ce dernier, les mis en cause n’ont pas été entendus. Chose que le Conseil politique n’aurait pas apprécié.  

Le choix de Kalémodou Yansané pour assurer l’intérim du trésorier national est perçu comme une « confirmation. Depuis 2018, c’était lui en réalité le vrai titulaire du poste. » Maladho Diallo, selon nos informations, ne faisait pas partie du quatuor de signataires du compte bancaire de l’UFDG, composé donc du vice-président chargé des Affaires économiques et financières, de Fodé Oussou Fofana, vice-président chargé des Affaires sociales et juridiques, du secrétaire exécutif, Aliou Condé et de l’ancienne députée Mariama Tata Bah.

L’UFDG balloté entre deux courants

Quant à Cellou Baldé, ce n’est plus la grande confiance avec son homonyme de président du parti. Et ce depuis qu’il a signé, avec Ousmane Gaoual Diallo et Ibrahima Chérif Bah, une tribune prônant l’apaisement. C’était en juin 2021, après sept mois d’incarcération à la Maison centrale. « Nous pensons qu’il est temps que chaque Guinéen prenne résolument l’engagement de promouvoir l’exercice d’une démocratie apaisée, l’unité et la réconciliation de tous les fils et filles de notre Guinée », écrivaient-ils. « La position de l’UFDG par rapport au dialogue politique relève exclusivement de la Direction nationale du parti et de ses instances compétentes », répondait l’UFDG dans un communiqué publié dans la foulée.

Depuis, le temps est passé; Mamadi Doumbouya a éjecté Alpha Condé du pouvoir (quatre mois après). Mais la fracture au sein de l’UFDG ne se referme pas. Le parti est balloté entre deux courants: d’un côté, ceux qui prônent l’ouverture, le dialogue, la collaboration avec le pouvoir. De l’autre, l’aile dure, partisane du bras-de-fer. Le premier groupe, dont fait partie les limogés Maladho Diallo et Cellou Baldé, mais également leurs prédécesseurs qui ont rejoint le pouvoir comme Alpha Boubacar Bah, Souleymane Bah et Ousmane Gaoual Diallo, se dit las de compter les morts à chaque manifestation. Tandis que le second croit encore en sa capacité de braver le dispositif répressif du CNRD, pour contraindre la junte à se conformer à ses engagements de départ: organiser des élections sans candidater, pour céder le fauteil présidentiel au vainqueur.

Sauf que le rapport de force n’est plus à l’avantage de l’opposition. On n’a nullement à l’apprendre à des opposants exilés.

Diawo Labboyah Barry