La Guinée fait face à une recrudescence des violences. Des meurtres sur des filles et des femmes se succèdent. Le phénomène préoccupe les féministes et les activistes de défense des droits humains. Plusieurs femmes ont récemment perdu la vie dans des conditions insoutenables, suscitant une vague d’indignation.

Le 2 avril, le ministère de la Promotion féminine, de l’Enfance et des personnes vulnérables réaffirme son engagement dans la lutte contre ce fléau. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, il rappelle une évidence trop souvent ignorée : « Parler et signaler, c’est faire un premier pas vers la protection et la justice. » Un message adressé tant aux victimes qu’aux témoins, pour briser le silence qui entoure ces crimes.

Selon la note, le service recense et relai les cas de violences à travers le pays, dans un souci constant de sensibilisation et de mobilisation. Parmi les drames récents : un féminicide à Kankan et à Sanoyah (Grand-Conakry. A Kankan, dame Adama Konaté a été assassinée le 21 mars dernier à coups de couteau. Le 8 avril à Sandervalia (Kaloum), Oumou Maïga, enceinte de 8 mois, a été violemment tuée par son mari après une dispute. L’affaire de l’artiste, chanteuse DjelyKaba Bintou Kouyaté, est devenue, malgré elle, le symbole de ces violences persistantes, largement dénoncées sur les réseaux sociaux. Sans oublier le dernier cas portant sur dame Kadiatou Diallo, mère de trois enfants, enceinte, assassinée par son mari, puis calcinée dans la commune urbaine de Sanoyah (Grand-Conakry).

Vagues d’indignation

Interrogée sur la recrudescence de ces violences basées sur le genre, Dame Fatou Hann, présidente de Women Africa Guinée (WAFRICA), déplore un « phénomène endémique ». « Ce n’est pas tant qu’il y a une recrudescence, c’est juste qu’il y a du phénomène. Le phénomène est là, il est entier, endémique. C’est comme une épidémie dans la société entière, partout, la violence faite aux femmes et aux filles est tellement présente. C’est juste que la recrudescence est au niveau de la dénonciation. On ne dénonce plus, parce que le contexte s’y prête. » Pour elle, il y a un changement, parce que les citoyens dénoncent « les violences qui diffèrent de nature », réagit-elle le 14 avril au bout du fil. Dame Hann propose des solutions. « Il faut continuer à dénoncer les violences de la manière la plus ferme possible. Arrêter surtout les arrangements à l’amiable et enfin arrêter de pardonner ces violences. Ce n’est pas possible qu’on puisse pardonner à un certain niveau les violences sans les sanctionner. On peut pardonner, mais souvent ont dit : on n’oublie pas. La manière de ne pas oublier, c’est aussi de sanctionner, de prendre des mesures. Et la sanction n’est pas juste pour punir les auteurs, c’est pour surtout éviter les récidives. Vous savez que l’homme apprend de ses leçons, et la leçon est d’autant plus profonde quand on en ressent les conséquences. Si tu fais quelque chose de mal qui n’est jamais puni ou qui n’a aucune conséquence ou répercussion, tu auras toujours le goût de le reprendre. »

En tant qu’activiste des droits des femmes et ceux des enfants, elle promet aussi l’appui du système de prévention et de réponse, en faisant des plaidoyers auprès de l’Etat et des acteurs impliqués. Elle s’engage à œuvrer pour que les « ressources de réponse soient disponibles » et à « continuer la sensibilisation au niveau de la population pour bannir la violence ».

Me Frédéric Foromou, de l’ONG “Mêmes Droits pour Tous” (MDT), a proposé des mesures à adopter pour bannir le fléau. « Nous assistons à une recrudescence des cas d’assassinat, surtout de femmes. Nous assistons à beaucoup de crimes, des femmes tuées, battues. Cette situation est de plus en plus fréquente en Guinée, et ça devient inquiétant. » La triste réalité devrait interpeller les Guinéens, pour « faire en sorte que notre société soit une société où les droits et la vie de la femme, de façon générale, la vie des êtres, des personnes vulnérables soient véritablement protégée. Il est donc important que des dispositions soient prises pour éradiquer ce fléau. L’une des dispositions est la sensibilisation. Faire passer des messages dans les radios, sensibiliser les hommes et dire qu’il n’est pas permis à un homme de frapper sa femme à plus forte raison l’assassiner. Et l’autre méthode, peut être aussi l’application de la loi. Il faut qu’effectivement toutes les personnes qui portent atteinte à l’intégrité physique des personnes vulnérables soient arrêtées, jugées et punies de la façon la plus sévère possible ».

Me Foromou invite tout le monde à prendre le taureau par les cornes. « Les personnes se livrant à ces crimes barbares doivent être arrêtées, jugées et condamnées à la hauteur de leur crime. C’est la seule façon pour lutter contre de telles pratiques. Si la justice ne joue pas son rôle, cela peut véritablement aggraver la situation. Il est urgent d’agir, de protéger les femmes et de briser enfin la spirale de la violence par une justice ferme, une société plus consciente et un État pleinement engagé », conclut le président de MDT.

Kadiatou Diallo