La campagne agricole 2025-2026 en Guinée a été officiellement lancée le 9 avril. Le thème : «Nourrir la Guinée avec ses propres ressources.» Selon les autorités, l’initiative, financée à plus de 115 milliards de francs guinéens (13,3 millions de dollars) vise à soutenir 2,5 millions de producteurs agricoles familiaux, un million d’éleveurs, 2000 jeunes femmes et hommes à faire passer la contribution de l’agriculture au PIB à plus de 40%. Une projection idéale si toutes les conditions préalables sont réunies pour l’atteinte des objectifs assignés à cette campagne agricole.

Depuis des lustres, l’autosuffisance alimentaire est brandie en slogan par nos gouvernements. Notre pays dispose d’un potentiel en terres arables évalué à 6,2 millions d’hectares. 25% en sont exploités et moins de 10% cultivés annuellement. Les pluies sont abondantes, elles varient entre 1100 mm et 4000 mm. Les ressources en eau de surface et souterraine sont importantes. Des 364.000ha de terres irrigables, 30.200ha sont partiellement aménagés. Jusqu’à présent, les mines nous ont fait miroiter le mirage d’une émergence. Le constat est patent : notre pays fait encore partie des pays les moins avancés (PMA), faute d’une gouvernance défaillante.

Pour ce qui concerne l’agriculture et l’autosuffisance alimentaire, il suffit de réorienter des investissements massifs vers ce secteur, à condition d’optimiser la gestion de ces ressources financières, en vue d’obtenir d’heureuses retombées pour la population. En effet, le secteur agricole regroupe 82 % de la population active, tandis qu’il représente seulement 24.8 pour cent du PIB. Les contraintes limitant le développement du secteur sont principalement la dégradation du potentiel de production (sol, eau) liée aux méthodes d’exploitation, l’insuffisance des infrastructures (aménagements hydro-agricoles), le faible accès à la terre, et l’insécurité foncière.

La sécurité alimentaire demeure le problème de fond du développement de la Guinée, contrairement au secteur minier, qui nous fait rêver. Il y a nombre de facteurs de blocage à lever au niveau macro-économique pour assurer à moyen terme la sécurité alimentaire. Entre autres facteurs de blocage : absence de banques de développement, complément indispensable de la politique libérale, qui freine l’investissement privé dans les secteurs de production, taux d’intérêt exorbitants par les banques commerciales de la place, qui limite les emprunts et grève la création d’emplois avec des frais indus ; misère des infrastructures énergétiques (électricité, eau) ainsi que des moyens de communication (routes, voies ferrées, téléphone, internet), qui limite l’incitation à la création d’entreprises industrielles et semi industrielles, etc.

Grâce à un tel potentiel agricole, on peut changer de paradigme et se libérer de la dépendance au secteur minier (bauxite, alumine, diamant, or), qui représente à lui seul près de 77% des recettes d’exportation et 29% des recettes propres de l’Etat. C’est désormais le challenge à relever par nos autorités.

Thierno Saïdou Diakité