Pour conserver le pouvoir illégalement conquis, Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et Abdourahamane Tiani ont construit des chimères dans lesquelles ils se sont muris : panafricanisme, souverainisme, néocolonialisme français et philanthropisme russe. Ils se rendent compte à présent, sur le terrain et face aux faits, que la réalité est bien plus complexe, l’atteinte des cibles plus ardue. Conspuée, moquée et vouée aux gémonies, la France s’en est allée, le profil bas, son influence politique et économique n’a de cesse de s’étioler. Cependant, demeurent difficultés politiques, économiques et particulièrement sécuritaires qui ébranlent les trois pays de l’AES (Alliance des États du Sahel).
Au Mali, rebelles de l’Azawad, djihadistes de tous acabits et terroristes narcotrafiquants écument toujours la vallée du Niger, les pleines de l’Azawad et les dunes des confins algériens. La récupération du territoire de l’Azawad n’a en rien amoindri les activités militaires de ces groupes qui infligent régulièrement aux Famas (Forces armées maliennes) de nombreuses victimes humaines et d’importants dégâts matériels dont des équipements militaires. Naturellement, ils perturbent les cycles de production et de commercialisation agricoles, les circuits commerciaux. Ils impactent négativement la vie politique et sociale en suscitant des mouvements d’humeurs populaires auxquels les autorités de la transition répondent par des mesures de répression impopulaires (arrestations, enlèvements, interdiction de manifester). Tout cela crée un environnement délétère défavorable à l’unité nationale, la cohésion sociale et aux initiatives de développement.
Au Burkina Faso, comme au Mali, les Djihadistes ont continué de prospérer pendant que les autorités de la transition s’attèlent à soigner leur image de révolutionnaires. Les populations civiles y payent un lourd tribut. Pas plus tard que la semaine dernière, alors que le Président de la junte, Ibrahim Traore, est à Moscou pour discuter de questions sécuritaires avec Vladimir Poutine, de nombreuses localités importantes dont Djibo, ont été concomitamment attaquées. Quelle claque ! Les garnisons militaires ont été occupées, pillées et parfois saccagées. Les victimes militaires (soldats et VDP) et civiles ont été nombreuses. Parallèlement à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la question des droits humains devient de plus en plus préoccupante. Nulle voix discordante n’est tolérée. D’anciens ministres et hauts fonctionnaires nationaux et internationaux, parfois septuagénaires, sont pris comme des conscrits et envoyés au front.
Les djihadistes sont aussi présents au Niger même s’ils sont moins actifs. Leur action est surtout préjudiciable au transport des minerais et du pétrole vers les ports notamment du Bénin. Pour beaucoup d’observateurs, Les mauvais rapports entre les responsables de la transition et le gouvernement français expliquent, à n’en pas douter, le départ du Niger de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) avec la perte de nombreux avantages culturels pour les jeunes.
Il y a maintenant environ deux ans que l’AES a été créée et a mené de nombreuses activités dont l’évaluation appelle quelques observation :
Primo, La crise sécuritaire persiste et s’aggrave même ;
Secundo, la crise sécuritaire a fini par affaiblir les droits humains, en particulier les libertés d’expression et d’action dans l’espace AES ;
Tertio, on ne remarque pas un élan particulier de solidarité entre les Etats membres de l’AES lors des attaques djihadistes.
L’AES semble bien en apnée depuis sa création. Il en faut davantage pour en faire une structure politique économique et culturelle efficace au service de ses membres.
Abraham Kayoko Doré