Le 14 mai, dans un long décret lu à la Télé-bidon guinée-haine, le prési de la Transition a retiré les permis d’une cinquantaine de sociétés minières. Ce qu’il faut savoir de cet inédit grand ménage qui fait jaser dans la cité.

Les autorités de la transition veulent-elles accélérer la transformation locale de nos minerais, comme elles le clament à tout bout de champ ? Le 9 mai, le Général Mamadi Doum-bouillant, prési de la transition, avait retiré le permis d’exploitation à deux sociétés minières : Guiter Mining et Kébo Energy SA, dont les patrons respectifs furent un temps proches de l’ex-prési Alpha Grimpeur. Du bruit, il y en a eu.

Le 14 mai, il a de nouveau donné un coup de pied dans la fourmilière des grises mines guinéennes. Le ménage a touché une cinquantaine de titres miniers. La moitié de leurs détenteurs évoluaient dans l’exploitation de l’or. Les autres dans les secteurs diamantifère, bauxitique ou encore graphitique.

Au regard de la législation

Pourquoi ces sociétés se sont-elles vu perdre leurs titres ? Amadou Bah, dirlo exécutif de l’ONG Action Mines Guinée, hasarde une réponse : « La raison n’a pas été expliquée dans le décret. Mais selon la loi, faute de remplir certaines conditions, l’autorité qui a délivré le permis, notamment la Présidence, a la responsabilité de le retirer. C’est le cas quand l’entreprise ne respecte pas le plan de mise en valeur de son titre : expliquer les activités à réaliser année après année, le budget alloué à ces activités et fournir un chronogramme qui fixe le démarrage de l’exploitation. Si ce chronogramme n’est pas respecté, cela peut être une condition de retrait du titre. L’autre hypothèse, c’est quand l’entreprise en question ne respecte pas les conditions environnementales et sociales. Elle ne réalise pas une étude d’impact environnemental, assortie d’un plan de gestion environnementale et sociale, et si nécessaire d’un plan d’action de réinstallation […] C’est également un motif valable de retirer le titre, quand l’entreprise corrompt des individus ayant une certaine portion de responsabilité au sein du gouvernement. » Amadou Bah ajoute que le retrait du permis peut intervenir aussi quand l’entreprise ne communique pas périodiquement à l’État l’évolution de ses activités sur le terrain. Dans ces différents cas de figure, « le gouvernement, légalement, a le droit de retirer le titre et assainir le cadastre », indique-t-il.

Quelle fuite à donner ?

Les titres miniers retirés étaient-ils en souffrance ? Oumar Totiya Barry, chercheur spécialisé dans le secteur des grises mines, cité par Jeune Afrique, a souligné que « la plupart des sociétés concernées ne développaient pas ou n’exploitaient pas les concessions qui leur avaient été attribuées ».

Qu’est-ce qu’on fera des titres retirés ? Selon le dirlo exécutif d’Action Mines Guinée, ils peuvent être refilés à des entreprises réglos, désireuses d’investir en Guinée. Celles qui ont la capacité technique et financière de mettre en valeur les titres. Si ces deux conditions sont réunies, avec le principe : premier venu, premier servi, d’autres sociétés « peuvent également souscrire pour avoir ces permis, d’ailleurs avec beaucoup plus de facilité ; parce que certainement ces entreprises ont filé à l’État les données géologiques concernant les permis ». Même que les nouveaux acquéreurs pourraient s’épargner de faire d’autres recherches.

Conflit d’intérêts, concurrence déloyale

Faudrait-il redouter d’autres motivations inavouées ? Mamadi Doum-bouillant a-t-il retiré des titres miniers à des proches de l’ancien régime pour les refiler à ceux de l’actuel ? Amadou Bah s’inquiète plutôt des conditions d’attribution des permis miniers en Guinée, qu’il invite à « revoir, durcir pour éviter que des entreprises acquièrent des titres illégalement, par affinité à un régime ou favoritisme. » Se faisant, souligne-t-il, l’État aura respecté la norme 2.5 de l’ITIE (Initiative de transparence dans les industries extractives) et évité la concurrence déloyale. Même que la Guinée devrait se doter d’une loi exigeant la publication d’infos sur les personnes, en chair et en os, détentrices des intérêts dans le secteur minier. « C’est pour éviter que des personnes politiquement exposées, notamment des hauts cadres de l’État ou les commis de l’État ne se cachent derrière une entreprise, pour pouvoir bénéficier d’un titre minier. Ce serait une concurrence déloyale et un conflit d’intérêt patent. Cela brise les règles de l’encadrement dévolu à l’administration et interdit, à l’article 8 du Code minier, tout fonctionnaire d’avoir des intérêts directs ou indirects dans le secteur minier. »

Sauf que depuis 2017, la Guinée peine à se doter d’une telle loi, par excès de volonté politique pour faire avancer le plaidoyer. Le prési Mamadi Doum-bouillant et son équipe, notamment son ministre directeur de Cabinet et prési du Comité stratégique de Simandou, Dji-bas Diakité et ministre des Mines et de la Géologie, Bouna Scylla, le réussiront-ils ? Pas sûr, à en juger par l’omerta particulièrement autour du gisement de fer de Simandou.

Renforcer la transparence, la gouvernance et la crédibilité des actes délivrés par le ministère de nos grises Mines au bénéfice des entreprises, c’est aussi attirer les investisseurs miniers et leurs partenaires.

Mamadou Siré Diallo