Le Bénin, « le quartier latin d’Afrique », sauf retournement extraordinaire de situation, va rejoindre le groupe restreint de pays dont les chefs d’État ont respecté les dispositions de leurs constitutions sur la durée des mandats présidentiels. C’est ainsi que Patrice Talon, président béninois, à quelques mois de la fin de son second mandat, donne des leçons. Même s’il n’a pas tenu sa promesse de mandat unique, il semble avoir compris, après un second mandat, qu’il n’est pas bon de s’éterniser au pouvoir. «Personne ne va m’attacher sur le fauteuil présidentiel. Je m’en vais. J’ai vieilli», a lancé Patrice Talon lors de ses échanges avec des jeunes au palais de la République la semaine dernière. Cette déclaration vient conforter sa décision de ne pas briguer un troisième mandat.
En réalité, ce n’est pas extraordinaire quand un président de la République du Bénin renonce à un troisième mandat. En l’état actuel de la loi fondamentale, il n’en a pas droit et c’est tout naturel qu’il s’en éloigne. Mais il se fait que Patrice Talon est en train de boucler son second mandat dans un contexte africain, où certains dirigeants développent un attachement au pouvoir. A 67 ans, Patrice Talon décide de prendre sa retraite avec deux mandats comme l’indique la Constitution. Alors qu’il a eu l’occasion de modifier cette même loi afin de s’ouvrir le chemin de l’éternité au pouvoir, il a plutôt renforcé le principe de deux mandats.
Il estime que nul, aussi brillant soit-il, ne peut indéfiniment rester en phase avec un monde en constant changement. «Les choses changent, le temps change. Ce qui est bon aujourd’hui, dans 10 ans, il va être dépassé», a-t-il indiqué. Patrice Talon prône le renouvellement des hommes et des idées dans la gestion des affaires publiques. Pour lui, «il n’est pas bon que les mêmes personnes exercent trop longtemps le pouvoir».
En clair, Patrice Talon explique que ceux qui s’éternisent au pouvoir finissent par perdre en « efficacité ». «Ils ont beau être bons, génies… Quelque chose va leur manquer au fil du temps. On n’est pas savant tout seul». Le président béninois plaide pour l’alternance au pouvoir dans un continent où la même personne peut briguer jusqu’à quatre voire huit mandats, même à un âge très avancé.
Pour rappel, depuis son indépendance le 1er août 1960, le Bénin connaît une histoire politique mouvementée, marquée par quatre coups d’État et de régimes militaires en six ans. Heureusement pour ce pays, la spirale des putschs militaires prit fin avec l’avènement de Nicéphore Soglo en 1991. Ce premier président élu de l’ère du renouveau démocratique, devrait remettre le pays sur les pistes de l’économie de marché en créant les conditions favorables à la croissance économique.
Par le jeu des élections démocratiques, l’on assiste ainsi à une succession de chefs d’Etat dont Mathieu Kérékou, de retour sur la scène politique béninoise, après avoir dirigé le pays pendant dix-sept années (de 1972 à 1990), docteur Thomas Yayi Boni, novice en politique, ancien président de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) de 2006 à 2016, et Patrice Talon qui lui succède en 2017, après avoir renoncé à briguer un troisième mandat.
Le Bénin mérite bien son surnom de « quartier latin de l’Afrique » en raison de sa riche histoire intellectuelle et culturelle, ainsi que de son rôle important dans le développement des arts et des idées en Afrique de l’Ouest. En Afrique sub saharienne, ne fut-il pas le premier pays à organiser la conférence nationale, débouchant sur le multipartisme. En dépit des soubresauts ayant émaillé la période post conférence nationale, les Béninois ont fait preuve de patriotisme pour faire de leur pays un modèle de gouvernance vertueuse.
Thierno Saïdou Diakité