Le 4 août, le Prési de la Transition, général Mamadi Doum-bouillant, par décret, a retiré la concession minière détenue par GAC, Guinea Alumina Corporation, filiale d’EGA, Emirates Global Aluminium. Le titre minier est refilé à Nimba Mining Company, détenue à 100% par l’État guinéen. EGA conteste la décision. D’aucuns se demandent si la Guinée a respecté la procédure.

Pour n’avoir pas respecté son engagement de construire une raffinerie en Guinée, GAC se voit obligé de faire ses valises en Guinée. Les autorités guinée-haines lui ont retiré son titre minier et l’ont filé à la compagnie Nimba Mining Company, détenue à 100% par l’Etat. Pour une durée de 25 ans, renouvelables. La concession de 690,20km² est nichée à Boké. Mais est-ce que la junte a respecté la procédure en la matière ?

Pour le Chercheur, spécialisé dans le secteur des grises mines, Oumar Totiya Barry, «le non-respect des engagements contractuels peut constituer un motif de retrait du titre minier. L’article 88 du code minier guinéen définit les motifs et les procédures de retrait du titre minier. La procédure commence toujours par une mise en demeure formelle. Au vu du temps mis dans les discussions depuis une année sur le dossier GAC, on peut supposer que l’État a respecté la procédure prévue par le code minier, même si on ne dispose pas de preuve matérielle.»

Le retrait de la convention de GAC est en effet la suite de la «suspension des activités» de l’entreprise minière en 2024. Une décision qu’EGA a jugé «illégale». Dans sa volonté de renforcer la «souveraineté économique» du bled, le CNRD semble avoir respecté le Code minier. Oumar Totiya Barry rappelle que «GAC, a, dans sa convention de base signée en 2004, l’obligation de construire une raffinerie en Guinée. En 2013, elle a obtenu l’autorisation de développer son projet en plusieurs étapes, repoussant ainsi le projet de raffinerie. La construction de la raffinerie devait intervenir au plus tard en septembre 2022. Ce qu’elle n’a pas fait.»

Le dirlo exécutif de l’ONG Action Mines Guinée, Amadou Bah, voit plutôt l’aboutissement d’un bras de fer entre les deux parties. «C’est un de bras de fer qui aboutit au retrait, justifié par le fait que l’entreprise n’a pas respecté son engagement compte tenu de la convention de 2004, mais également les amendements ayant suivi cette convention. Le gouvernement a donc voulu passer à la vitesse supérieure en retirant le titre.»

GAC a payé le prix du laxisme des autorités guinéennes ?

Le Premier des ministres, Amadeus Oury Bah, s’est confié à RFI, vendredi 8 août. Il accuse les goubernements ayant précédé le CNRD d’être à la base du retrait du permis de GAC. «Ce n’est pas une concession minière qui était initialement prévue, c’était une raffinerie qui devait être construite par le géant émiratie. Malheureusement, pendant près de 20 ans, les anciens gouvernements guinéens ont été suffisamment laxistes, pour ne pas faire respecter ce qui était initialement prévu. C’est-à-dire, la construction d’une raffinerie d’aluminium. Donc, on a laissé l’objet principal de la convention au profit d’ententes ayant permis l’exportation brute de cette richesse. Et ce qui aurait pu être construit en Guinée l’a été dans les émiraties. Après le 5 septembre 2021, avec la nécessité [valable pour l’ensemble des compagnies minières bauxitiques], il a été décidé d’accélérer et d’encourager la transformation de ce minerai sur place. Donc, il va de soi que ceux qui ne se sont pas conformes aux conventions, aux règles minières, étaient passibles d’être sanctionnés.» Cela explique-t-il les raisons de la décision Doum-bouillante ? En tout cas, le dicton disant que l’administration est une continuité n’est pas toujours valable.

Les pertes pour la Guinée ?

La société GAC employait plus de 3 200 personnes, exportait 12 millions de tonnes de bauxite par an et versait environ 60 millions d’euros par an au Trésor guinéen, selon des sources de RFI (Radio France Internationale). Dans son communiqué du 5 août en réaction à la décision du CNRD, EGA affirme, rien qu’en 2024, que «GAC a contribué à hauteur de 244 millions de dollars dans l’économie guinéenne et a effectué des investissements de l’ordre de 700 mille de dollars dans des projets sociaux». Les parties en conflit avaient-elles une alternative pour trouver un terrain d’entente ? Possible, estime Oumar Totiya Barry. Face «aux enjeux sociaux et financiers» suite à l’arrêt des activités de GAC, les «parties en jeu avaient aussi la possibilité de privilégier d’autres options, en lieu et place du retrait.» Par exemple, «la fixation d’un nouveau délai contraignant, mais réaliste pour construire la raffinerie, l’acquisition par la Guinée de parts dans la raffinerie à Dubaï ou un arrangement financier, pour dédommager les pertes et dommages subis par la Guinée», estime le Chercheur.

EGA écrit que la «mesure constitue également une violation flagrante des droits contractuels et légaux de GAC». Elle «met en péril plus de 3 000 emplois locaux et remet en question le respect de l’État de droit par la République de Guinée.» Sur RFI, Amadeus Oury Bah a plutôt rassuré les employés. «Nous allons tout mettre en œuvre pour qu’ils retrouvent un emploi sécurisé, en conformité avec l’objet de ce qui avait présidé à la création de GAC».

Dégâts pour EGA

Dans son communiqué du 5 août, l’entreprise Émiratie «dénonce avec la plus grande fermeté la décision de la République de Guinée de révoquer le titre minier de sa filiale GAC». Elle menace de trimballer la Guinée devant les juridictions compétentes, pour réclamer réparation du «préjudice» subi: «Cela peut aller par exemple de la demande de l’annulation du décret de retrait à l’arbitrage au niveau, par exemple, des structures internationales habilitées à connaître un tel litige», souligne Amadou Bah. Comme pour dire que les autorités de la transition, notamment le ministre dirlo de Cabinet à la Présidence et prési du Comité stratégique de Simandou, Dji-bas Diakité, et le ministre de nos grises Mines, Bouna Scylla, seront attendus.

RFI indique que le retrait du titre minier est un coup dur pour l’entreprise émirienne EGA et sa filiale guinéenne GAC. «Le groupe, spécialisé dans la production d’alliages d’aluminium, dépend entièrement de la bauxite guinéenne pour faire tourner ses fonderies aux Émirats, grâce à une énergie abondante et peu coûteuse, comme le souligne un rapport publié au printemps par l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques (OSFME), en partenariat avec la DGRIS, Enerdata et Cassini Conseil. Privée de son approvisionnement guinéen, EGA devra, une fois ses stocks épuisés, se tourner vers le marché mondial à des conditions moins avantageuses. Un risque de perte de compétitivité, qui pourrait se répercuter sur ses clients, en particulier les États-Unis, gros acheteurs d’aluminium de qualité militaire.»

La punition pour l’exemple ?

Selon des botteurs de couloir de nos grises mines, GAC n’est pas la seule compagnie minière à n’avoir pas respecté son engagement de construire une raffinerie, pour la transformation locale de la bauxite. Elles seraient une dizaine. La sanction infligée à GAC constitue un message envoyé aux autres compagnies minières. «Plusieurs sociétés sont concernées par la construction des raffineries, mais le cas de GAC est un peu particulier, de par sa convention de base qui en fait une société de raffinerie et non de bauxite», précise Oumar Totiya Barry. Ajoutant que «l’aggravation de la relation entre GAC et l’État Guinéen résulte également d’un déficit de confiance sur la capacité des uns et des autres à respecter les engagements. Le gouvernement semble faire du dossier GAC un exemple pour les 9 autres entreprises ayant des obligations, dans leurs conventions, de construire des raffineries.»

Pour Amadou Bah, tout porte à croire que «la mesure s’inscrit dans une logique de nationalisation de l’exploitation des ressources naturelles et surtout d’imposer l’autorité du gouvernement qui a toujours flanché, depuis un certain temps, vis-à-vis des entreprises qui ont bénéficié de beaucoup d’exonérations.» C’est un signal d’alerte envoyé aux entreprises minières, pour leur dire: «Si vous ne vous conformez pas aux exigences que nous vous dictons, alors vous n’êtes pas à l’abri du retrait.» Le dirlo exécutif de l’ONG Action Mines Guinée ajoute que le retrait du permis de GAC montre que «l’État guinéen a envie de reprendre la main sur l’exploitation des ressources naturelles, reste à savoir si cette tendance nationaliste, va aller loin ou si ce sont juste des actions déclaratives qui vont s’éteindre à petit feu. Aujourd’hui, tout le monde est unanime, y compris le FMI, que beaucoup de contrats signés en Guinée accordent des exonérations parfois très fantaisistes et qui privent la Guinée de beaucoup de ressources qui devraient être perçues dans le cadre de l’exploitation minière en Guinée.»

La création de Nimba Mining interroge

L’annonce de la création de Nimba Mining au même moment que le retrait du titre minier de GAC suscite des questions. Amadou Bah dit ne pas disposer suffisamment d’informations sur cette société: «Pour le moment, on ne sait pas quel est son agenda. Nimba Mining sera-t-elle capable de reprendre les actifs de GAC ?», affirme-t-il. Et toc ! Nimba Mining Company sera-t-elle à la hauteur des attentes ? Va-t-elle s’inscrire dans une logique de la continuité de l’exportation du brut ? Qu’est-ce qu’elle pourra changer ? Quelle sera sa vocation réelle ? S’inscrira-t-elle dans une logique de transformation à moins terme de la bauxite extraite du permis anciennement détenu par GAC ? Qui sont les administrateurs de Nimba Mining ? Une foultitude de questions dont la réponse pourrait éclairer la lanterne de l’opinion et rassurer les investisseurs.

Refouler au lieu d’inciter les investisseurs

Toujours est-il que le sort réservé à Guinea Alumina Corporation risque de porter un coup dur au climat des affaires en Guinée. Des investisseurs hésiteront à mettre leurs sous où ils peuvent être chassés par des autorités peu enclines au dialogue, ergotent des langues fourchues. Amadeus Oury Bah rejette l’idée. Pour lui, le goubernement ne fait poing fuir les investisseurs. «Les investisseurs sérieux, crédibles savent pertinemment que la loi et le droit sont du côté de la République de Guinée dans cette affaire. Ils ne sont pas les seuls dans cette situation, il y a d’autres compagnies minières de moindre envergure qui font l’objet de ce genre de sanction, avec des retraits de permis miniers par exemple. Nous devons privilégier désormais la transformation des minerais sur place dans la mesure du possible.» Qui vieillira verra !

Mamadou Siré Diallo