Le Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (Slecg) se démène pour la levée de la suspension des salaires de milliers d’enseignants du pré-universitaire et du professionnel.
L’espoir d’un paiement renaît, mais se heurte à un hic procédural de haut niveau.
Une mission de contrôle de présence opérée dans les écoles en octobre 2024 et en mars et avril 2025 par l’Inspection générale de l’administration publique a relevé plus de 3 000 cas d’irrégularités: abandons de poste, substitutions, non validation, mutations sans notification au ministère du Travail et de la Fonction publique. Le tout, y compris les fonctionnaires du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, porterait à 6 000 cas de suspension salarial. Plusieurs enseignants en service depuis un ou deux ans, mutés ailleurs, ont vu leurs salaires de juillet et août suspendus par les autorités. Motif invoqué ? « Abandons de poste. »
Aboubacar Soumah, le secrétaire général du Slecg, joint par La Lance le 18 août, affirme que la majorité des enseignants dont le salaire est suspendu n’ont pas abandonné les postes. Ils ont été plutôt déplacés sans que suivent leurs dossiers, notamment celui lié au listing salarial, vers le nouveau lieu d’affectation à travers le pays. « On considère le poste de départ comme un abandon-ce qui n’est pas le cas-mais le poste d’affectation n’a pas été déclarée, malgré le fait que l’enseignant soit muni de son certificat de prise de service. En fait, les dossiers n’ont pas suivi le circuit administratif requis. C’est une défaillance administrative dont sont victimes nos camarades. C’est vrai, il y a des cas d’abandon de postes, mais la majorité des dossiers concernant nos camarades sont des mutations sans suivi du circuit administratif normal », explique le syndicaliste.
À Évasion TV, Mohamed Ansa Diawara, le porte-porte du ministère de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation, a mis en avant deux cas: abandon de poste et mutation sans notification au ministère du Travail et de la Fonction publique.
Erreurs de validation
Le 2 août, le ministère de l’Enseignement pré-universitaire et celui l’Enseignement technique ont déclaré dans un communiqué conjoint qu’ils tiennent « à informer (ces enseignants Ndlr) que des démarches urgentes ont été menées auprès de l’Inspection générale de l’administration publique afin d’obtenir une résolution rapide à cette situation pouvant être préjudiciable aux enseignants en poste. »
À Coyah, au moins cinquante enseignants d’un collège public sont concernés par la suspension de salaire, pour « abandon de poste. » Nombre d’entre eux enseignent depuis plus d’une décennie. Ibrahima Sory Barry, enseignant, a indiqué que la mission de contrôle qui est passée en octobre 2024 a bien fait son travail. Mais, la seconde mission passée entre mars et avril derniers aurait manqué d’attention dans la validation des enseignants déjà enregistrés. « À notre école, tous les enseignants ont été enregistrés lors du contrôle physique avec la première mission, même les trois retardataires dont le principal du collège. Mais, ce sont ces trois retardataires-là qui ont été validés et payés au mois de juillet dernier. Nous qui étions les premiers enregistrés, nous n’avions pas été validés, car nous sommes considérés comme des cas d’abandon de poste. Les agents ont fait un mauvais travail. D’ailleurs, l’un d’eux a reconnu ses erreurs lors de la validation », souligne l’enseignant. Il déclare que lui et ses camarades ont déposé, comme sollicité, leurs dossiers à l’effet de régler le problème. « Nous attendons. Notre syndicat (Slecg, entre autres, suit l’affaire », assure-t-il.
Le Slecg se fait entendre
La semaine dernière, le Slecg s’est rendu au ministère du Travail et de la Fonction publique. Le syndicat a demandé au ministre Faya François Bourouno de revoir sa copie, afin que les enseignants considérés comme déserteurs soient « immédiatement payés. Qu’ils perçoivent leur salaire au même moment que les fonctionnaires en situation régulière », plaide Aboubacar Soumah. En réponse, le ministre Bourouno lui a signifié la nécessité de continuer à « assainir » le secteur éducatif qui serait truffé d’irrégularités.
Déjà, assure le syndicaliste, « une commission composée des syndicalistes et des techniciens de la Fonction publique a été mise en place. Elle a fini le travail, le rapport est remis au ministre. Je crois que des dispositions sont en train d’être prises pour que les enseignants soient payés ».
Toutefois, l’espoir se heurte à un obstacle, non des moindres: ce n’est pas le ministère de la Fonction publique qui paie, mais celui du Budget. «Donc, il y a une procédure à engager pour cela. Mais, tout pourrait entrer en ordre » sous peu, croit-il.
Yaya Doumbouya