Suspendu avec le RPG arc-en-ciel et le PRP pour trois mois, l’Union des forces démocratiques de Guinée ne compte pas courber l’échine. Le parti de Cellou Dalein Diallo et ses pairs de l’opposition ne comptent pas plier.
Par les temps qui courent, tenir tête au CNRD peut engendrer des conséquences fâcheuses pour un parti politique. Après l’ex-parti au pouvoir, le RPG-arc-en-ciel, l’UFR de Sidya Touré, l’UFDG est désormais interdit d’activités sur toute l’étendue du territoire national durant 90 jours. Le MATD (Ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation) lui reproche de n’avoir pas tenu son congrès pendant le moratoire de 45 jours qu’il lui a imparti. Trois mois de pause politique forcée pendant lesquels le parti est privé de réunions, d’assemblée générale et de toute autre activité à caractère politique.
Mais l’UFDG ne s’avoue pas vaincu. Dans une déclaration publiée le 25 août, la Direction nationale a dénoncé une décision « illégale émanant d’un pouvoir illégitime issu d’un coup d’Etat sanglant, un pouvoir maintenu par la violence aveugle et la force brutale. »
Ignorant les mises en gardes du MATD, l’UFDG ne mâche pas ses mots : « Jamais nous ne plierons devant la dictature. Jamais nous ne laisserons le pays sombrer dans la dictature. Un peuple débout ne peut être vaincu par une poignée d’individus qui ne croient qu’en la force des armes et prétendent régner par la terreur. La tyrannie sera vaincue par notre prise de conscience individuelle et notre résistance collective. »
La direction nationale de l’UFDG accuse le Président de la transition de vouloir taire les voix dissonantes « par les assassinats ciblés, les disparitions forcées, les enlèvements suivis de sévices corporels et les poursuites et détentions arbitraires, à l’effet de confisquer le pouvoir au mépris des règles et principes de la démocratie et de l’État de droit. »
Du pain béni pour les réformateurs de l’UFDG
Le parti avait prévu de tenir son congrès début juillet, mais en a été empêché par le MATD. Ce dernier exige la réintégration des exclus comme Ousmane Gaoual Diallo, avant tout renouvellement des instances. Ajouter cela les batailles judiciaires engagées à la Cour suprême et la Cour d’appel de Conakry, l’UFDG tient les autorités pour responsable du retard du congrès. Il appelle ses militants à se mobiliser pour contrer « la volonté de la junte de fermer l’espace public et de sacrifier les acquis obtenus de haute lutte. »
En conflit ouvert avec la direction nationale de l’UFDG, des cadres exclus du parti ou débarqués de leurs postes à cause de leur connivence avec le CNRD, retranchés derrière le mouvement appelé Les Réformateurs de l’UFDG, saluent la suspension. Dans un communiqué, ils tiennent l’UFDG pour seul responsable de la situation : « La suspension du parti n’est pas le fruit d’un « acharnement de l’État » comme veut le faire croire Monsieur Cellou Dalein DIALLO…Elle est due aux fautes internes, aux mensonges sur les décisions de justice et à la confiscation du parti par un clan », tacle le coordinateur Lamarana Petty Diallo.
« Nous ne plierons pas »
Outre l’UFDG, l’Union des forces républicaines (UFR) est lui aussi suspendu depuis janvier dernier. Le même motif de non tenue de son congrès depuis belle lurette est avancé. Les responsables de l’UFR, eux, y voient un musellement en représailles à leur opposition à la transition. La formation politique a organisé son congrès le 30 mai, reconduisant l’ancien Premier ministre Sidya Touré à sa tête, avec près de 95 % des voix. Le MATD n’a toujours pas annoncé la levée de sa suspension.
Le RPG Arc-en-ciel était déjà sous les coups d’une suspension depuis janvier dernier. Selon la Direction nationale des Affaires politiques et de l’administration électorale, le parti avait présenté des états financiers flous : pas de trace des cotisations, ni de vente de cartes de membres. Sans compter la non organisation du congrès. Le parti, qui s’était braqué contre la junte qui lui a ravi le pouvoir, s’était résolu d’ignorer ces griefs tant que ses responsables détenus ne sont pas libérés. Finalement, le RPG arc-en-ciel a tenté de normaliser la situation, sans succès : « Après la première suspension, nous avons réglé toutes les récriminations, notamment la situation financière, à l’exception du congrès », explique Mohamed Lamine Kamissoko, membre du bureau politique.
Pour ce qui est de l’absence d’un compte bancaire, il accuse les autorités de faire un double jeu : « Ils savent qu’ils ont bloqué notre compte bancaire, comment peuvent-ils nous demander de leur prouver qu’il fonctionne ? C’est juste de l’abus. Ils nous asphyxient pour que nous nous pliions devant eux. Cela ne marchera pas. »
Yacine Diallo