Depuis déjà quelques années, la préfecture de Lola, en Guinée-forestière, connaît une importante transhumance inhabituelle ayant envenimé peu à peu les relations entre les communautés. En effet, les problèmes climatiques et sécuritaires ont contraint une masse critique d’éleveurs et leurs troupeaux à immigrer de la zone sahélienne vers les régions plus clémentes du Sud de la Guinée où la végétation reste verte toute l’année.

Malheureusement ces régions ou la pratique de l’élevage est rarissime, voire méconnue, ne sont pas non plus pourvu de voie de transhumance alors que de nombreux champs et plantations s’y enchevêtrent. Les agriculteurs qui sont dans leur écrasante majorité des autochtones et les éleveurs qui sont généralement des allogènes se partagent le même espace homogène sans aménagement approprié affectant aux activités professionnelles des uns et des autres des zones réservées. Par exemple, on aurait pu aménager autour des pièces d’eau des enclos pour parquer le bétail tout en créant des pistes de transhumance, en vue de faciliter le déplacement des animaux sans qu’ils ne saccagent les cultures.

En l’absence de tels aménagements, les rapports conflictuels entre les agriculteurs et les éleveurs sont inévitables. Rapidement les Sous-préfectures de Lola sont devenues des zones à fort potentiel conflictogène. De façon récurrente, éclatent des discussions houleuses ou de violentes disputes entre agriculteurs et éleveurs. Les raisons sont bien simples. Le bétail en divagation sans surveillance rigoureuse notamment la nuit, se répand dans les champs et les plantations, dévore avec avidité les diverses cultures : riz, manioc, banane, taro, maïs etc. Ces cultures qui sont le résultat d’intenses efforts des agriculteurs sont aussi leurs seules sources de revenu. Elles leur permettent de se nourrir, se soigner, se vêtir, se marier, éduquer leurs enfants, entretenir leurs familles, voyager, etc. Ce sont leurs moyens de résilience contre la pauvreté mais aussi de quête du bonheur. Dès lors, on comprend leur ire face à la destruction de leurs cultures par le bétail qu’ils ne rechignent pas à abattre. Or, le bétail représente toute une fortune pour l’éleveur. Abattre peu ou prou de têtes, c’est le priver d’une part considérable de son actif.

Il faut retenir que les pertes causées aussi bien à l’agriculture qu’à l’élevage ne sont pas que préjudiciables à ces deux secteurs de l’économie locale. Elles affectent également les stratégies nationales de sécurité et d’autosuffisance alimentaires. En d’autres termes, les enjeux des conflits entre agriculteurs et éleveurs dans la préfecture de Lola vont bien au-delà des frontières préfectorales pour prendre une dimension nationale et impacter les politiques publiques agro-pastorales.

Il était donc risqué de laisser perdurer ces conflits, surtout en période électorale. Les autorités ont donc pris la sage décision de réduire  de façon significative le nombre de bétail, afin d’alléger la pression anthropique sur la biodiversité locale. Elles ont procédé à la délocalisation d’une importante partie du bétail qui avait envahi la Préfecture et mis en mal les relations conviviales qu’entretenaient les différentes communautés. Il faut espérer que cette solution soit efficace. Il ne faut surtout pas qu’elle fasse long feu.

Abraham Kayoko Doré