En Guinée, il y a quelque chose de bien plus tordant que Le Parlement du Rire, ce sont les élections. Cette magnifique procédure qui, dans les pays normaux permet aux citoyens d’exprimer leur avis sur les grands sujets de société, n’est dans notre pays qu’une pitrerie dont on se serait largement amusé si elle ne faussait les règles de la démocratie et ne gâchait l’espoir et les projets futurs de tout un pays. Il va sans dire que le référendum que nous propose Mamadi Doumbouya demain dimanche 21 septembre n’y fera pas exception. Il s’inscrira au contraire, dans la suite logique des pièges grossiers par lesquels notre naïveté sans borne donne à nos tyrans le droit de nous dépouiller et de nous estropier.

Nous qui sommes si nationalistes, si fiers de nos dirigeants, si imbus de nous-mêmes, avons-nous conscience que la dernière élection libre et transparente organisée dans ce pays remonte au 28 Septembre 1958 ? Depuis, jamais notre peuple n’a eu l’occasion de déposer le bulletin de vote de son choix dans une urne crédible. L’horrible Sékou Touré avait l’avantage lui, de simplifier les choses : un candidat unique, élu à 100%, la démocratie parfaite, quoi ! Sous le deuxième régime, Lansana Conté se servait d’abord avant de laisser quelques miettes à Alpha Condé, Siradiou Diallo et Bâ Mamadou. En 2010, on a brûlé le fichier électoral et laissé s’écouler 4 mois entre le premier et le second tour avant d’asséner le résultat qu’on a bien voulu asséner. En 2015, Alpha Condé s’est déclaré président avant-même la fin du dépouillement !

Les Guinéens savent donc à  quelle sauce, ils seront mangés demain. Ils feraient mieux de rester chez eux au chaud, s’occuper de leurs femmes et de leurs enfants. Ceux qui, malgré tout participeront à ce référendum-bidon se mordront deux fois les doigts: non seulement, ils se feront battre par la pluie mais ils se feront couillonner. Leur bulletin de vote, c’est du bluff, ils le savent bien. Qu’ils brandissent le oui ou le non, Mamadi Doumbouya est déjà élu. Pour lui, charte de la transition, référendum, constitution, assemblée nationale, sénat, tout cela ce n’est de la poudre aux yeux. Ce qui compte, c’est son pouvoir. Les élections, c’est juste pour légitimer son putsch et ses galons mal acquis, en quelque sorte faire passer la pilule. Tout est putsch, chez ce Général-là ! Après le putsch par les armes, le putsch par les urnes !

Il met  tout dans cette funeste entreprise-là : la bauxite, le fer, l’or, le diamant et tous les bras valides que compte le pays. Tenez, il a mobilisé 45 000 agents des forces de l’ordre rien que pour « sécuriser » le scrutin de demain. Tous les Guinéens savent ce que cela veut dire, sécuriser, dans la tête de ces gens-là. Alors, de grâce, Guinéens, restez chez vous ! Nous n’avons pas besoin de nouveaux Sadiba Coulibaly, de nouveaux Célestin Bilivogui, de nouveaux Docteur Dioubaté, de nouveaux Saadou Nimaga, de nouveaux Foninké, Billo Bah ou Marouane Camara.

Quelle époque ! Nous en sommes à nous demander si les Mobutu et les Bokassa des années 70 ne valaient pas mieux que ceux d’aujourd’hui. Mamadi Doumbouya nous aurait coûté moins cher s’il s’était contenté de se proclamer empereur ou président à vie. Tous ces milliards, tous ces discours, toute cette mamaya pour une simagrée électorale dont le résultat est connu avant même l’achat des urnes !

Guinéens, ne votez pas demain ! Faites une belote ou regardez votre feuilleton préféré ! Préservez vos vies et votre dignité ! Ce serait dégradant, ce serait suicidaire d’offrir une Constitution à un homme qui a expressément foulé au pied la charte de la transition !

Tierno Monénembo