Ça y est, le mal est fait, le grossier mensonge est passé ! Mamadi Doumbouya l’a enfin, ce chiffon de papier qu’il lui fallait pour revêtir d’un vernis juridique, son pouvoir néfaste et illégal ! C’est la preuve encore une fois que nous sommes bien en Guinée, ce pays sans lendemain où les actes du gouvernement consistent essentiellement en assassinats politiques et simulacres électoraux.
Le mensonge et le crime sont les deux habits qui vont le mieux à nos dirigeants et ce n’est pas une calomnie de dire que ces deux habits-là, Mamadi Doumbouya les porte à la perfection. Aux meurtres rituels qui caractérisent notre vie politique nationale, il a ajouté ce que les machiavéliques pourraient appeler une petite touche d’élégance et de subtilité : les disparitions forcées. A la manipulation institutionnelle, il a usé d’un savoir-faire à rendre jaloux ses démoniaques prédécesseurs. Pensez-donc, ce putschiste qui nous avait promis un retour rapide à l’ordre constitutionnel est en passe de légitimer son coup de force et même, et c’est vraiment fort de café, d’apparaître comme le sauveur, le démocrate modèle, que le peuple unanime souhaite de gré ou de force, maintenir au pouvoir. Car bien évidemment, vous l’avez tous compris, ce légionnaire ne désire pas se porter candidat à l’élection présidentielle, oh que non !, c’est le peuple–entendez la horde de lèche-bottes et de ministrions voraces, qui l’entourent- qui l’exhorte à le faire. Il est contraint et forcé, quoi, le pauvre !
Le plus déprimant, c’est que tout cela n’a rien de fortuit, rien d’improvisé. C’est un plan de longue date mais si roué, si perfide que certains de nos compatriotes ne s’en rendent toujours pas compte. Et pourtant, les signes annonciateurs de ce funeste projet étaient là dès le lendemain du coup d’Etat. Pour commencer, il a nettoyé l’espace politique de tous les concurrents potentiels, de toutes les voix discordantes. D’où les morts du Général Sadiba Koulibaly, du Colonel Célestin Bilivogui et du Docteur Dioubaté, d’où les disparitions de Saadou Nimaga, Foninké Mengué, Billo Bah et Marouane Camara, l’arrestation d’Aliou Bah et l’exil d’Alpha Condé, de Sidya Touré et de Cellou Dalein Diallo ! Ensuite, il a expressément lambiné sur le calendrier électoral pour gagner du temps, préparer les esprits, poser un à un les jalons de cette mascarade électorale. Enfin, dans ce pays où les tyrans ne règnent pas que par les coups de trique mais aussi par la magie du verbe, ses collaborateurs (ou plutôt les voix de leur maître) se sont mis sans prévenir personne, à l’appeler Monsieur le Président de la République et non plus chef de la Transition, ce qui en d’autres pays aurait entraîné une solennelle remontrance.
Que Mamadi Doumbouya se prête à ce jeu morbide, on peut le comprendre : le hasard l’ayant propulsé au sommet de l’Etat, il veut s’y maintenir et profiter sans retenue des énormes avantages qui vont avec, nous vivons après tout, au pays de l’or et du diamant, de la bauxite et du fer ! Mais que nos élites civiles, militaires et religieuses se fassent les complices actives ou passives d’une manigance qui fausse le jeu démocratique et obère de toute évidence l’avenir de ce pays me comble de désespoir. Comment diable peut-on couler la Guinée pour le prix d’une bagnole ou d’un strapontin ? A défaut de patriotisme, un peu de pudeur, messieurs les opportunistes !
Je n’ai pas voté ce dimanche 21 septembre et je m’en félicite. Pour moi, la question n’est pas de savoir si cette Constitution est bonne ou mauvaise, judicieuse ou impertinente, c’est que tout simplement elle n’a pas lieu d’être. Dans ces conditions-là, Mamadi Doumbouya n’a rien à proposer au peuple. La charte de la Transition est l’unique cadre juridique qui lui conférait une certaine légitimité. Sorti de là, tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait est illégal pour ne pas dire nul et non avenu.
Tierno Monénembo