Le jeudi, 2 octobre 2025, notre pays va souffler soixante-sept bougies pour son accession à l’indépendance. Plus de six décennies vécues, il serait intéressant de jeter un regard rétrospectif sur la gestion de notre chère Guinée, qui figure encore parmi les pays les moins avancés. La lourde responsabilité n’incombe qu’à nos dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays. De 1958 à date, c’est en effet la gouvernance du pays qui explique notre retard économique. Un record en soi, au regard du formidable potentiel dont la Guinée est doté.
Pour cette rétrospective, nous avons compulsé l’entretien que le Professeur Djibril Tamsir Niane avait accordé au magazine Matalana hors- série N° 7 du mois d’octobre 2018. Au cours de l’entretien, l’historien et écrivain, avec une hauteur d’esprit a dressé un bilan sans complaisance de 60 ans de gouvernance de la Guinée.
Morceaux choisis : « Les vingt-six ans du régime de Sékou Touré sont remplis de gloire et d’horreur. Sékou Touré : le héros et le tyran, tel est le titre significatif du livre que Jeune Afrique lui a consacré à sa mort, sous la plume de l’historien Ibrahima Baba Kaké. Après Sékou Touré, le pouvoir est tombé entre les mains des militaires. La classe politique était décimée. L’armée fut acclamée par le peuple et elle mit fin à la Révolution, tourna casaque et mit en place un régime libéral ? Ivres de liberté, les populations libérées de toutes les contraintes politiques soccupèrent peu de la vie politique. La Constitution suspendue, ce n’est que neuf ans plus tard que la Guinée fut dotée dune nouvelle loi fondamentale, et qu’il eut les premiers scrutins qui mirent en place des maires et une Assemblée nationale élus au suffrage universel.
Le général Lansana Conté ne monta légalement au pouvoir quen 1993, en gagnant la première élection présidentielle pluripartite. Après deux mandats, il modifia la Constitution et eut un troisième mandat. Il mourut au pouvoir, en 2008. Un coup d’Etat surgit et installa à la tête du pays le capitaine Moussa Dadis Camara. Il fut remplacé par le général Sékouba Konaté, suite à une tentative d’assassinat sur sa personne, dont il sortit grièvement blessé. Sékouba Konaté assura la Transition qui mit au pouvoir, après une élection présidentielle en 2010, le Pr Alpha Condé. Enfin, un premier régime démocratique s’installait depuis 1958.
La Guinée a donc connu la longue dictature du président Ahmed Sékou Touré, vingt-six ans ; le pouvoir militaire de Lansana Conté, vingt-quatre ans ; et deux ans de transition. Soit en tout, cinquante-deux ans hors norme démocratique. Si un régime démocratique monte au pouvoir, curieusement, l’esprit démocratique ne règne pas. L’intolérance pèse. Bien des heurts eurent lieu avec une opposition sourde. Le Pr Alpha Condé fut réélu en 2015. La voie démocratique est vraiment ouverte, mais le retard économique est grand »
Tel est donc le regard rétrospectif du professeur Niane. Il faut saccorder avec son analyse, puisqu’en dépit de l’ouverture démocratique instaurée par le Pr Alpha Condé, les espoirs nés à la faveur du 2 octobre 1958 ne furent guère comblés. En effet, à la suite du troisième mandat dAlpha Condé, le 5 septembre 2021, notre pays enregistre une nouvelle transition militaire, qui projette une refondation de l’État et de ses institutions.
Dans le contexte et la situation qui prévalent actuellement en Guinée, lon notera que la célébration de lan 67 de notre indépendance, coïncide avec la mise en oeuvre effective du retour à l’ordre constitutionnel, après quatre années de transition. Avec le ferme espoir, que ce retour à l’ordre constitutionnel permettra à notre pays de devenir la Guinée que nous ambitionnons depuis 1958.
Thierno Saïdou Diakité