Les Guinéens ont toujours su ce qu’ils veulent. En 1958, dans une entente de façade, ils ont dit NON à de Gaulle et à la Communauté franco-africaine et Oui pour l’indépendance, entrant dans l’histoire devant le reste des nations encore sous domination coloniale. Il n’est pas superflu de rappeler qu’à l’indépendance de la Guinée et à son admission aux Nations-Unies, l’ONU ne comptait que 81 pays. La Guinée fut le 82ème. De nos jours l’ONU compte 193 États. C’est dire que les Guinéens qui avaient mis un bulletin dans l’urne en 1958 ont fait l’histoire avec courage, à leur risque et péril, et ont été ovationnés par les citoyens des autres 112 États.

Parler ainsi ne dira absolument rien aux jeunes générations, mais l’aura du NON auréolait et accompagnait les Guinéens à travers le monde. Dommage que « Petit Barry » n’en parle pas à son auditoire. S’il avait été quelqu’un à la FEANF, c’est grâce au NON. Dans les milieux estudiantins, le Guinéen était désigné et choisi pour prendre la direction devant leurs pairs. Hormis cette fierté, la Guinée a été épargnée d’un bain de sang comme en Indochine, comme en Algérie, comme au Cameroun, à Madagascar et autres. Mais au lieu de profiter de l’aubaine, les Guinéens ont été montés les uns contre les autres se faire la guerre.

En 2025, plus divisée qu’en 1958, mais moins qu’en 2010 par le dépôt du parti au pouvoir et la mise à la touche de ceux qui n’ont rien trouvé de mieux que de mettre les bâtons dans les roues du pouvoir pendant dix ans, les Guinéens lassés de ce jeu interminable, ont dit OUI à la nouvelle loi fondamentale qui va réguler la gestion et la conduite politique pour les prochaines années, avec espoir que les Guinéens fassent attention et doucement, comme le recommande la chanson.

 Malgré des appels au boycott et malgré que beaucoup n’aient pas reçu leur carte d’électeur, on parle de plus de 89% de Oui. Labé, le fief de l’opposition, qui avait voté à contre-courant en 1959, a voté Oui dans le sens de l’histoire, comme pour dire que l’âge de la raison est atteint. Mais pour autant, il faut appeler le chien par son nom, l’organisation n’était pas à la hauteur. Les agents de saisie, des gamins, les agents de distribution des cartes formés et rémunérés à cet effet, dit-on, étaient invisibles sur le terrain. L’encre d’impression était si volatile que certains « codes QR biodégradables » ont tendance à ne plus être lisibles… Enfin, il semble bien aussi que pour se nuire et se mettre les bâtons dans les roues les uns des autres, certaines cartes auraient été soustraites à l’insu de leurs titulaires pour une raison ou une autre…

Il fallait s’y attendre. Tout ne pouvait être parfait. En 4 ans d’exercice, en  partant de zéro et en serrant la ceinture après l’incendie du dépôt des carburants, avec les caisses vidées dans l’émulation à la concussion de la gouvernance passée, à entendre la listes des biens saisis par la CRIEF, le CNRD a réussi à organiser le référendum et la présidentielle et continuer à dérouler allègrement son programme de développement socio-économique, et surtout la prise en charge sanitaires des fonctionnaires et retraités.

Comment faire table rase des Erreurs du passé ?

Après 67 ans, les Guinéens ont commencé à ouvrir les yeux et à comprendre de quel côté leur pain est beurré. Ils ont jeté l’éponge de la rue, qui ne leur a rien rapporté depuis 1958 que souffrance, douleur et division.

Les erreurs qui ont marqué le passé de la Guinée se résument en deux fléaux : Ethnocentrisme et népotisme, qui ont ouvert la boite de Pandore.

En 1958, pour le besoin du vote, les Guinéens parlaient d’une même voix, cette voix va devenir dissonante avec le temps. Sous la première république, on a entendu « An gbansan-lé ». Pendant le CMRN, on a entendu « won tanara ». Sous le CNDD, les Forestiers avaient le vent en poupe pour vouloir faire 10 ans au pouvoir avec la bénédiction de Abdoulaye Wade, cela a tourné au fiasco. Et puis vint l’opposant historique, dit « alélé djo ». Le premier conseil des ministres s’est fait en maninka. Nom d’un chien !  

  Comme on le voit, l’héritage du passé est chargé et lourd. On ne peut pas dire que la Guinée s’est affranchie des dépendances du passé. Le 67ème 2 octobre n’a pas été marqué par un défilé militaire. Les Guinéens ont perdu cette tradition depuis la Révolution. Voir le défilé militaire de la Chine réglé au cordeau avec des individus clonés, de même taille, de même corpulence, les pas au diapason et à la même cadence, et voir le défilé des Gabonais avec les femmes déchaussées en plein chassée du défilé, la scène de Sow Clapton nous revient à la mémoire : un policier lui demanda d’ouvrir le coffre de sa voiture pour un contrôle. A la lueur de la torche du policier, Sow inonda le coffre de sa grande torche, le vieux policier s’exclama : « Hiéé ! Torche na torche tô, torche so a saa dé ». On serait tenté d’en dire autant de tous les défilés qui ont succédé à celui des Chinois. Les Guinéens se souviennent encore du fameux défilé du 2 octobre 2008 pour ne pas rééditer le fiasco. Il ne reste plus qu’à commencer à rôder les prytanées…

La Guinée est entrée l’histoire en 1958. L’adversité extérieure et les forces centrifuges l’ont empêchée de s’unir faire l’histoire. Avec le déblocage du projet Simandou, et on vante des opportunités ouvertes, ça va créer des envies pour « faire sortir à tout prix les loups du bois, mais comme l’argent n’aime pas le bruit, et les « trois Mousquetaires » sont en train de faire du bruit dans le vide, leurs appels au boycott du référendum n’ont pas été très suivis d’effets notoires, il faut dire qu’ils dérangent, c’est ce qui leur reste pour exister, et l’exil peut pousser à tout.

Ceux qui sont au pouvoir et ceux qui sont écartés du pouvoir sont comme des coqs dans un hamac, c’est-à-dire dans un équilibre instable, l’incertitude permanente. N’y a-t-il pas une autre alternative pour que personne ne soit laissé sur le quai ?  Faire l’histoire c’est sortir la Guinée du marasme économique et réussir à réunir les Guinéens autour d’un idéal. Si cela doit être assujetti à certaines conditions, elles restent à être déterminées. Bah Oury est toujours en place ?

 Dans cette Guinée qui a fait du chemin, faire l’histoire, c’est surtout réussir la réconciliation nationale.  L’occasion est belle et propice.

 Moïse Sidibé