Le 20 octobre, la Chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) n’a pu juger Mamadi Camara. La contre-expertise sur le rapport budgétaire l’incriminant n’est pas encore disponible. Des parties au procès se rejettent la responsabilité.
L’ancien ministre de l’Economie et des finances sous le régime d’Alpha Condé est poursuivi pour des faits présumés de « corruption, de détournement de deniers publics, d’enrichissement illicite et de blanchiment de capitaux ». Selon les accusations, 80 milliards de francs guinéens auraient disparu des caisses du ministère de 2011 à 2022.
L’audience du jour qui devait être consacrée à la contre-expertise sur l’exécution budgétaire de 2018 à 2021 (sous Mamadi Camara) s’est ouverte sans la partie civile, représentée par l’Agent judiciaire de l’Etat. Tout de même, l’ancien ministre et ses conseils étaient présents. Le juge, Yagouba Conté, a déclaré n’avoir reçu aucun rapport de contre-expertise de la part du cabinet Grant Thornton désignée depuis le 14 avril dernier, pour un délai d’un mois, afin de produire la contre-expertise sur la gestion des fonds sous Mamadi Camara à la tête du ministère de l’Economie et des finances. La demande de contre-expertise avait été introduite par la défense de l’ancien ministre, après avoir remis en cause le rapport provisoire d’inspection du Vérificateur général d’Etat, incriminant leur client.
Ousmane Sanoh, le substitut du procureur spécial près la Crief, a expliqué que le cabinet Grant Thornton l’a informé que l’ancien ministre et ses avocats « disent qu’ils ne financent pas les frais de la production du rapport contre-expertise. Or, la décision de la Chambre de jugement avait ordonné au prévenu de payer les honoraires au cabinet. »
Me Aboubacar Sidiki Camara, de la défense, a affirmé s’être entretenu aussi avec le cabinet Grant Thornton, lequel lui a évoqué la question de la rémunération. « Je leur ai demandé de nous écrire, nous faire parvenir leur facture. Mais, le cabinet disait que les frais allaient être trop pour un prévenu et se demandait si notre client pourrait s’acquitter de leurs honoraires. Puis, ils disent que le dossier est compliqué », explique Me Camara.
Amateurisme ?
Son coéquipier, Me Lanciné Sylla, a estimé qu’il appartient au cabinet Grant Thornton de faire un courrier au prévenu au sujet de sa rémunération et que « cela ne peut se passer de façon verbale. Il faut procéder de manière formelle. »
Le juge Yagouba Conté a reproché au parquet spécial d’avoir manqué à ses prérogatives. « Vous auriez dû veiller à ce qui avait été demandé au cabinet soit fait dans les règles de l’art. Cela vous incombe, Monsieur le procureur. Il faudrait que le rapport soit prêt à la prochaine audience. » La Cour a demandé au parquet de remettre le fond du dossier au cabinet, regrettant le fait que Grant Thornton ait demandé des honoraires sans avoir le fond du dossier. « Ce n’est pas professionnel », dénonce-t-il, avant de renvoyer l’affaire au 15 décembre, pour le dépôt du rapport de contre-expertise et la suite des débats.
Yaya Doumbouya