Dieu est au-dessus de chacun. Lui seul dispose du pouvoir discrétionnaire de changer des vies, de façonner des carrières et de décider des destins. Il est aussi l’unique dépositaire de l’avenir. Dans une société où chacun proclame sa foi à tout vent et s’en remet à Lui en toute circonstance, Il devrait avoir toute sa place et inspirer à tous humilité, sagesse, pondération et altruisme. Mais on ne Le cite que pour les besoins d’une cause, on ne L’invoque que pour des raisons futiles. Ses recommandations n’ont que peu d’emprise sur les actes, les comportements, les propos, les choix et les décisions des uns et des autres. Et comme Dieu n’aime ni l’hypocrisie ni servir d’alibi, lorsque l’on profane Son nom, que l’on abuse de Sa patience et de Son indulgence, Il se rebiffe et assène Sa sentence, sans appel. Il démontre ainsi Sa suprématie et rappelle à cette occasion qu’il n’y a d’omnipotent dans le temps et l’espace que Lui, Lui seul. Avec Lui, chacun récolte ce qu’il a semé et n’a que rarement droit à une seconde chance.

Le peuple, dans toute l’acception du terme, veut tout dire et ne signifie pourtant rien de particulier. Il demeure une abstraction. Ce peuple tant vanté, ce souffre-douleur universel, a le dos large mais n’a pas la mémoire courte. Il se prête à tous les manèges, est de toutes les aventures, se confond avec la meute, mais reste aussi sur ses gardes et n’avance jamais sans reculer. Faiseur de rois, il suspend son épée de Damoclès sur toutes les têtes. Il n’est, en réalité, fidèle et égal qu’à lui-même. Il finit toujours par cocufier tous ceux qui veulent se réincarner en lui ou qui s’avisent d’exploiter ses silences si parlants et ses faiblesses qui ne sont que momentanées.

« Tel est pris qui croyait prendre ». Telle est la moralité de l’une des fables de La Fontaine, c’est aussi la leçon magistrale que tous les peuples du monde infligent à leurs princes. Il en a toujours été ainsi dans le cours tranquille du temps et les multiples rebondissements de l’Histoire.

Et nous-mêmes ? Nous péchons tous par orgueil, à nous considérer supérieurs aux autres et meilleurs qu’eux, avant de chuter du haut de notre piédestal. Nous périssons de nos illusions, à nous prendre à la fois pour Dieu, qui n’a point d’alter ego, et pour le peuple, qui n’a signé de pacte avec personne. Ce peuple que Victor Hugo définissait comme « un âne qui se cabre », donc indocile.

Tibou Kamara