Les robins soupçonnent les dirigeants du groupe Bolloré d’avoir utilisé leur filiale de communication Havas pour faciliter l’arrivée au pouvoir de dirigeants africains, notamment Alpha Grimpeur et Faure Gnassimbé en assurant des missions de conseil et de communication sous-facturées. Et ce, dans un seul objectif : obtenir les concessions portuaires des lucratifs terminaux à conteneurs. Et c’est réussi. Plusieurs autres cadres du groupe étaient eux aussi en garde à vue ce mardi : le dirlo général du groupe Bolloré, Gilles Alix, et Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international de l’agence de communication Havas.

Recours judiciaires

Selon le Monde, M. Dorent s’est occupé d’une partie de la campagne présidentielle guinéenne en 2010 pour le compte du candidat Alpha Grimpeur, ami de l’ancien ministre français des affres étranges Bernard Kochemar et Vincent Bolloré. M. Dorent a aussi eu la charge d’une partie de la communication du jeune président togolais, Faure Gnassingbé, candidat à sa propre réélection.

En novembre 2010, Alpha Grimpeur est élu à la magistrature suprême. Et 4 mois après, c’est-à-dire mars 2011, la convention de concession du terminal à conteneurs du port de Conakry, octroyée en 2008 au groupe français Necotrans, pour une durée de vingt-cinq ans à sa filiale Getma, est rompue. Il faut récompenser les ami, le moment était venu. Alpha Grimpeur confie la gestion du port à son ami. « Bolloré remplissait toutes les conditions d’appels d’offres. C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ? ». On ne peut plus clair.

Une bataille judiciaire est alors engagée en France par Necotrans, qui finira en redressement judiciaire et dont une partie des actifs seront rachetés pour une bouchée de pain par Bolloré à l’été 2017. Game over ! « C’est un fantasme que de penser qu’un coup de main à la campagne d’un candidat à la présidentielle qui faisait figure d’outsider comme Alpha Condé permettrait l’obtention d’un port », balayait il y a plusieurs mois M. Dorent, interrogé par Le Monde.

Au Togo, le groupe Bolloré a remporté en 2009 – quelques mois avant la réélection de M. Gnassingbé la concession du terminal à conteneurs du port de Lomé pour une durée de trente-cinq ans. Décision elle aussi contestée, cette fois par un autre concurrent. Jacques Dupuydauby, ancien associé de Bolloré au Togo, a multiplié les recours judiciaires pour dénoncer les conditions dans lesquelles il considère avoir été évincé.

Sous-facturation

Selon les informations du Monde, la police a saisi de nombreux documents à l’occasion de perquisitions réalisées en avril 2016 au siège du groupe Bolloré à Puteaux (Hauts-de-Seine). Ceux-ci laissent apparaître les pratiques du groupe Bolloré au Togo et en Guinée et corroborent l’hypothèse d’une sous-facturation des prestations d’Havas au bénéfice des dirigeants de ces deux pays. On a dit coopération gagnant-gagnant, non ?

La garde à vue de M. Bolloré intervient une semaine à peine après que l’industriel breton a créé la surprise en cédant la présidence du conseil de surveillance de Vivendi à son fils Yannick, patron du groupe de publicité Havas.

Alors que le magazine Challenges évoquait il y a deux semaines la convocation à venir de M. Bolloré et plusieurs dirigeants du groupe, l’avocat de ce dernier, Olivier Baratelli, avait affirmé dans un communiqué que « face à une concurrence exacerbée, c’est la seule expérience du groupe Bolloré, son réseau industriel, son expertise portuaire depuis plus de 30 ans, sa position de leader sur le continent africain et les investissements très importants qu’il y réalise (plus de 2 milliards d’euros sur les huit dernières années) (…) qui lui permet de se voir attribuer, seul ou en partenariat, des concessions portuaires ».