L’Association des victimes du camp Boiro (AVCB) a célébré ce 25 janvier, le 48e anniversaire des pendaisons de 1971. A cette occasion, une marche a organisée. Elle est partie du pont 8 novembre, lieu où plusieurs personnalités ont été pendues, au sinistre camp Boiro. Victimes, fils et petits-fils de victimes se sont retrouvés tôt le matin devant le cinéma de la liberté. Tous ou presque de rouge vêtus, banderoles et photos des victimes en main. 10h 20 minutes, direction le camp Boiro, via Kameroun et le Centre islamique de Donka. Sur le pont 8 novembre, dépôt d’une gerbe de fleur et lecture de la lettre ouverte adressée au prési Alpha Grimpeur. Pendant la marche, les slogans habituels ‘’ Plus jamais en Guinée’’ ; ‘’ Vérité, justice et réconciliation’’ ; ‘’Justice pour nos morts’’. Chez les victimes, toujours les mêmes réclamations, la restitution des charniers : « Depuis 1985, nous sommes heurtés à ce PDG qui est resté enfoui dans les entrailles de cet Etat et jusqu’à présent nous ne sommes pas entendus. Nous avons pu avoir la surface du camp Boiro après plusieurs batailles, mais il est détruit. Ils ont toujours voulu effacer cette période, mais nous sommes là, nous sommes vivants et nous nous battrons jusqu’à ce que la réhabilitation se fasse. La première chose à faire c’est de nous rendre les charniers. Sur toute l’étendue du territoire il existait des camps de torture et d’exécution et c’est le camp Boiro qui symbolise aujourd’hui ces lieux. Nous réclamons ces charniers pour que ne puissions nous recueillir devant les tombes de nos parents. Nous voulons que cette page soit tournée, mais elle ne peut pas être tournée sans être lue » déclare Fodé Bokar Maréga, fils d’une victime. Malgré les multiples changements de régime, les victimes d’exactions pendant la première république n’ont pas eu droit à la justice. Au contraire, plusieurs lieux d’exécutions ont détruits ou reconstruits. Fodé Bocar Maréga dénonce une complicité de l’Etat : « Le seul responsable c’est l’Etat. On a commencé à construire une stèle au camp Boiro, ils l’ont cassé. C’est une complicité, nous nous n’avons rien à cacher ».
Pour Abbas Bah, présidant de l’AVCB, ce combat ne vise ni un régime ni un groupe de personnes : « J’ai fait sept ans au Camp Boiro, mon devoir c’est de lutter pour que cela ne reproduise plus jamais dans notre pays. Ce n’est pas une bagarre entre deux Guinéens, c’est la bagarre pour que le droit soit dit, pour la restauration de la démocratie, pour que l’Etat qui a détérioré notre nation soit réconcilié, qu’il soit au service de la nation et non contre les Guinéens » Abbas Bah est convaincu que les crimes politiques se sont perpétués dans le pays parce que les exactions perpétrées par Sékou Touré et son régime n’ont pas été traitées par la justice : « Ceux étaient au camp Boiro n’étaient là que parce qu’ils étaient honnêtes, patriotes, compétents et ils aspiraient au développement du pays. Nous, nous souhaitons que cela ne reproduise plus jamais. Si on avait réglé la question en 1984, il n’y aurait pas eu le 28 septembre (2009 NDLR). Voyez dans quelle situation nous vivons aujourd’hui, on ne peut expliquer cela que par une sanction divine. On est piégé dans ce pays. Si nous n’allons pas à la réconciliation, qui consiste à rétablir la vérité, à appliquer la justice et à organiser la réconciliation, ça ne marchera pas. La vérité c’est que des personnes ont été enfouies comme des morceaux de bois. Il faut qu’on rende hommage à ces gens-là ».
Le 25 janvier 1971, près de 80 personnes, qualifiées par les PDGistes de traitres ont été pendues un peu partout à travers le pays. Depuis 1985, les victimes ou leurs enfants se battent pour le rétablissement de la vérité. En vain. Plusieurs d’entre elles sont d’ailleurs mortes sans connaitre la moindre reconnaissance.
Yacine Diallo