La résistance s’organise (tant bien que mal) pour tenter de barrer la route à ce que bon nombre de Guinéens perçoivent comme un passage en force de huit conseillers contre leur président à la Cour Constitutionnelle. Ce 24 septembre, leaders des partis politiques de l’opposition, acteurs de la société civile, syndicalistes, responsables d’ONG et autres analystes consultants se sont retrouvés à la Bellevue (au Belvédère). L’accès à plusieurs réceptifs hôteliers de la place leur ayant été refusé. Initié par l’opposition républicaine, le forum consiste à une prise de contact entre ces acteurs, histoire de connaitre les positions des uns et des autres sur la crise qui couve à la Cour constitutionnelle et éventuellement mettre en place des stratégies communes pour empêcher le départ de Kéléfa Sall. Cellou Dalein Diallo et ses pairs de l’opposition républicaine, Fodé Bangoura du PUP, Lamine Kaba du parti FIDEL, Dansa Kourouma du CNOSC, Sékou Koundouno du Balai Citoyen, Makalé Traoré de la COFIG et tant d’autres ont discuté pratiquement trois heures durant. Si tous les participants ont souligné la nécessité d’un rapprochement, en revanche, les points de vue divergent.

Depuis la « destitution » annoncée du patron de Cour constitutionnelle, les interprétations en disent long chez les constitutionnalistes. Plusieurs d’entre eux relèvent un problème de procédure : « Sur bien de points, l’arrêt rendu constitue une curiosité juridique, le numéro r1/001 fait croire que depuis le mois de janvier la Cour n’a rendu aucun arrêt, ce qui est inexact. La seule motivation de cet arrêt réside dans la motion de défiance qui égraine une liste de griefs sans preuves. Donc cette destitution souffre d’un défaut de motivation » fait remarquer le Pr Togba Zogbélémou.

Société civile divisée

Au cours du forum, maître Amadou Diallo, consultant, a relevé des incohérences dans l’arrêt rendu par les frondeurs. Mais certaines organisations de la société civile ne partagent pas forcément ses analyses. Si Dansa Kourouma du CNOSC parle d’une crise interne qui est devenue juridique, Mamady III Kaba lui, affirme carrément la légitimité des huit frondeurs : « La destitution du président est l’œuvre des membres de la Cour avec un vote à la majorité de sept membres. Selon l’observatoire, la Cour suprême ne peut pas être saisie pour cette procédure car une décision de destitution qui n’est pas approuvée par la majorité des sept conseillers serait nulle et de nul effet. Le président de l’institution peut être destitué sans être condamné. Pour l’observatoire, la décision de destitution du président dépend de la majorité des conseillers ». Ces prises de positions contrastent avec celles du Balai Citoyen : « Il n’y a pas matière à polémiquer. La position du Balai Citoyen est connue par tous et nous travaillons pour que l’ordre constitutionnel soit respecté. Des éminents juristes ont pris clairement position dans ce dossier, à les écouter on sent qu’il y a des soucis juridiques et des intentions inavouées. L’heure n’est plus aux réunions, mais à la mise en place des stratégies afin de prouver à ces frondeurs que seul le peuple de Guinée demeure souverain » déclare Sékou Koundouno, l’administrateur général.

« Coup de force »

Les opposants réclament des actions fortes pour accentuer la pression sur le régime Condé et sur les frondeurs : « Il faut privilégier les actions directes, si la loi passe il y aura un bicéphalisme à la tête de la Cour constitutionnelle et suivra un blocage institutionnel. La loi sur la CENI sera bloquée, les législatives ne peuvent pas être organisées parce que les candidatures doivent être validées par cette cour (…) il est important de se lever » explique Lamine Kaba du parti FIDEL. Et le président de l’UFDG d’ajouter : « Nous sommes dans un contexte où les velléités d’un troisième mandat existent. Tout le monde sait que Kéléfa Sall a pris position contre ce projet. Nous voulons empêcher ce coup de force. Mais chacun agira en fonction de ses convictions, mais je pense qu’il faut avoir une cour constitutionnelle crédible ». Une déclaration commune devrait être faite à l’issue du forum, mais il n’en est rien. Les parties ont finalement convenu de diversifier les stratégies. L’opposition et une partie de la société civile devraient opter pour les manifestations pacifiques, alors que l’autre partie opterait pour un rapprochement des belligérants via le dialogue. Mais le temps fait défaut et les frondeurs projettent déjà l’élection de leur nouveau président le 27 septembre prochain.