Fort inquiet d’une possible victoire de son principal rival aux urnes le 18 octobre prochain, le dirigeant guinéen joue son va-tout en utilisant toutes les cartes à sa disposition y compris l’intimidation et surtout l’ethnocentrisme, pièce maîtresse de sa gouvernance chaotique au cours des dix dernières années. S’exprimant samedi 19 octobre à Sèkhoutouréya, Alpha Condé a lancé une mise en garde à l’encontre des Malinkés. «Le Malinké qui est candidat et qui n’est pas du RPG veut aider Cellou Dalein Diallo. Vous devez le connaitre. Si vous votez pour lui, sachez que vous votez pour Cellou Dalein Diallo», a-t-il martelé, en rappelant à l’électorat de la Haute Guinée que M. Dalein Diallo est le candidat unique de sa région natale, la Moyenne Guinée.

« Au Foutah, c’est Cellou seul qui est candidat. Il n’y a pas un autre candidat», a-t-il ajouté. Il a par ailleurs invité les malinkés à se souvenir du passé. «Ce qui s’est passé après la mort de Sékou Touré, vous n’avez pas oublié ça. Donc je compte sur vous. S’il plait à Dieu, la Guinée va avancer.» Le dictateur guinéen fait ainsi allusion aux événements du 3 avril 1984 quand l’armée a saisi le pouvoir, suite au décès du président Ahmed Sékou Touré, un Malinké dont le régime était autoritaire et ethnocentriste. Une situation que la tentative de coup d’État du colonel Diarra Traoré visait à rétablir en 1985, mais en vain. Ce coup de force avait créé la colère des guinéens, des habitations et des commerces appartenant à des malinkés à Conakry avaient été pillés. Alors un opposant historique obscur avec très peu de crédibilité en Guinée, Alpha Condé sauta sur l’occasion pour s’imposer comme le leader incontournable des malinkés, celui qui allait restaurer leur «dignité bafouée.»

«Son régime est corrompu et il a commis beaucoup de parjures et de crimes économiques. Il ne veut pas perdre parce qu’il sait qu’on va lui demander des comptes sur sa gestion. Une gestion qui ne bénéficie en réalité qu’à une infime partie de Guinéens, essentiellement ses supporters qui sont en majorité des Malinkés», a souligné un analyste de la politique guinéenne. Celui-ci a ajouté que même si le régime semble agir au nom des Malinkés, l’écrasante majorité de ce groupe ne profite rien de la présidence d’Alpha Condé. Il cite en exemple les récentes manifestations à Kankan et à Siguiri où des jeunes en chômage permanent réclamaient de l’eau potable et de l’électricité, «denrées très prisées» dans cette région de la savane. «Il veut jouer au sentiment ethnocentriste en disant aux Malinkés qu’une victoire de Cellou signifierait la fin de leur pouvoir qu’ils ne veulent partager avec personne. Puisqu’en Afrique on ne peut pas exclure l’ethnie de la sociologie politique, il estime que ces gens-là vont le suivre aveuglement, a souligné l’analyste. »

En fixant la date de l’élection présidentielle au 18 octobre, Alpha Condé pensait aussi que l’opposition, dans son ensemble, allait une nouvelle fois adopter la politique de la chaise vide, comme ce fut le cas lors du double scrutin du mois de mars dernier. Une telle situation lui assurait la victoire aux urnes dès le premier tour. Mais avec plusieurs candidats de la Haute Guinée en lice et vu le mécontentement populaire dans le pays, l’octogénaire Condé risque fort de se retrouver avec sa marge de victoire au premier tour de l’élection présidentielle de 2010 quand il avait recueilli juste 18% du suffrage. Et il a fallu l’intervention de l’ancien président de la transition, Sékouba Konaté, pour le propulser au deuxième tour au détriment de M. Sidya Touré. « La panique a gagné la mouvance depuis l’annonce de la candidature de Cellou. Alpha Condé et ses comparses savent désormais que la seule chose qui va les amener à la victoire dans cette élection – c’est la fraude-. Dans les conditions régulières, il n’a aucune chance de l’emporter », a conclu cet analyste.

Après avoir imposé dans le sang une nouvelle constitution, Alpha Condé est en quête d’un troisième mandat controversé. Son dernier mandat non renouvelable à la présidence s’achève en décembre prochain, selon la loi fondamentale de 2010 que la majorité des guinéens soutient. 

Alsény Ben Bangoura

AlloAfricaNews