La mission conjointe CEDEAO/ UA/ONU, venue à Cona-cris pour assurer le blanchiment du fait-chier et du processus électoraux, a rendu visite à la Cour Constitutionnelle. La rencontre que l’on souhaite un peu plus honnête, beaucoup plus sérieuse que celle du FNDC, a conduit la Cour à publier un communiqué sur lequel s’est penché l’ancien Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats, Me Mohamed Traoré. Comme pour paraphraser le Général de Gaulle le 25 août 1958 à Conakry, j’ai dit, vous lirez.
Dans un communiqué en date du 2 octobre 2020, la Cour constitutionnelle a rendu compte des échanges qu’elle a eus avec la mission conjointe CEDEAO/UA/ONU sur le processus électoral en cours en Guinée. Au cours de cette rencontre, la mission aurait évoqué un certain nombre de questions relatives à ce processus. À la suite des réponses et clarifications apportées par la Cour, les diplomates auraient exprimé leur satisfaction et lui aurait recommandé de communiquer davantage sur le sens et la portée de ses décisions selon le communiqué. La question ici n’est pas de se prononcer sur ce que cette mission conjointe aurait déclaré ou n’aurait pas déclaré. En effet, cela n’a pas une très grande importance vu qu’elle s’est discréditée aux yeux de nombreux Guinéens en raison de ses atermoiements et de son laxisme dans la gestion de la crise guinéenne.
Le but de cette publication est d’analyser, juste pour les besoins du débat juridique, le contenu du communiqué que la Cour a fait publier suite à la « recommandation » des diplomates africains et onusiens. Au préalable, il faut préciser deux choses essentielles.
Premièrement, un juge justifie sa décision dans la décision elle-même. Il ne peut pas le faire autrement. Une fois qu’il a rendu sa décision, il n’a plus à la justifier puisqu’il est supposé l’avoir dans cette même décision. La justification ou motivation de la décision sont en effet censées figurer dans la décision elle-même. La Cour a rendu l’arrêt n°AC 014 du 11 juin 2020 sur la question relative à la falsification de ce qu’on appelle » la nouvelle constitution ». Les motifs de sa décision sont censés être indiqués dans cet arrêt. Elle n’a donc pas à justifier à nouveau sa décision dans un communiqué même sur recommandation d’une mission conjointe CEDEAO/UA/ONU.
Deuxièmement, il est de règle qu’on ne doit pas critiquer une décision de justice en dehors des canaux habituels que sont l’exercice des voies de recours et les commentaires d’ordre technique. Mais un communiqué, fut-il de la Cour constitutionnelle, n’est pas une décision de justice. Il est donc sujet à critique.
Le communiqué de la Cour constitutionnelle est la preuve la plus éloquente qu’elle n’est pas sûre d’avoir apporté une réponse convaincante sur la question de la falsification avérée de la « nouvelle constitution ». C’est pourquoi, elle fait valoir un argument complètement nouveau en ce sens qu’il n’est pas indiqué dans son arrêt du 11 juin 2020.
En effet, la Cour se fonde sur deux articles de l’ordonnance n°001 portant dispositions relatives au référendum. Il s’agit des articles 8 et 9 de cette ordonnance. Que disent ces textes ?
L’article 8 dispose que » le projet de loi référendaire est publié au Journal Officiel de la République. Il doit faire l’objet d’une large vulgarisation dans les organes de presse de l’État ». Ce que ce texte appelle de manière impropre « projet de loi référendaire » n’est autre que le projet de constitution. La loi référendaire veut dire autre chose. Mais passons.
L’article 9 quant à lui, dit que » les médias publics sont tenus de présenter les divers points de vue relatifs au projet soumis à référendum de manière équilibrée. »
Partant de ces deux articles, la Cour tire la conclusion selon laquelle, tenez-vous bien, le point de départ de la réception des avis et suggestions des citoyens sur le projet de constitution est sa publication au JO. En clair, la Cour veut dire qu’à compter de la publication du projet de constitution au JO jusqu’à son adoption par les citoyens par voie référendaire, ces derniers pouvaient encore exprimer leurs avis et faire des suggestions dans le sens bien entendu de l’amélioration du texte. Ce qui expliquerait les différences entre le projet de constitution publié au JO et le texte qui a été présenté comme la » nouvelle constitution de la Guinée ». La Cour fait même un parallèle inapproprié entre la procédure législative et le mode d’adoption d’une constitution par référendum.
En réalité, la Cour se trompe lourdement. Contrairement à un projet ou une proposition de loi qui peut faire l’objet d’amendements, d’ajouts ou de modifications jusqu’à son adoption par les députés, le projet de constitution publié au JO devrait être soumis à référendum en l’état. Autrement dit, tous les amendements devraient intervenir avant la publication du projet de texte au JO, pas après.
Le projet de constitution publié au JO, soumis au référendum du 22 mars et adopté, devrait être rigoureusement identique au texte ayant fait l’objet de promulgation et de publication au JO. La Cour devrait accepter cette réalité.
Les divers points de vue qu’évoque l’article 9 de l’ordonnance qui régit le référendum sont ceux des partisans du oui ou du non au projet de constitution et qui permettent de guider les citoyens dans leur choix. Ce ne sont pas des points venant modifier le projet de texte déjà publié au JO.
En conclusion, les » sages » ont pensé avoir trouvé, quelque cinq mois après, un argument pertinent pour justifier leur arrêt. Mais en réalité, c’est un argument qui n’est pas du tout convaincant. Au contraire, il vient démontrer que la Cour tente désespérément de justifier encore une fois l’injustifiable.
Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats