Cinq rapporteurs des Nations unies ont demandé à la France de réviser sa proposition de loi sur la sécurité, la jugeant « incompatible avec le droit international des droits de l’homme ».

Après avoir témoigné son inquiétude concernant la proposition de loi sur la sécurité globale, l’Organisation des Nations unies (ONU) passe à la vitesse supérieure. Dans le sillage des défenseurs des libertés fondamentales, des journalistes, des avocats et des militants, cinq rapporteurs de l’ONU ont demandé, jeudi 3 décembre, à la France de réviser ce texte sur la sécurité, le jugeant «incompatible avec le droit international des droits de l’homme».

«Parmi les nombreuses autres dispositions de la proposition de loi qui pourraient limiter les droits de l’homme, l’article 22 autorisant l’utilisation de drones de surveillance au nom de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme permettrait une surveillance étendue, en particulier des manifestants», ont fait savoir ces experts indépendants, estimant que cette proposition de loi va à l’encontre des engagements internationaux de la France en matière de droits de l’homme.

«Cela aura de graves implications pour le droit à la vie privée, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression dans le pays – ainsi que dans tout autre pays qui pourrait s’inspirer de cette législation.» Tout en accueillant la création d’une commission, dirigée par le président de la Commission nationale des droits de l’homme, chargée de formuler des recommandations concernant l’article 24, les experts ont exhorté la France à entreprendre une évaluation complète de la compatibilité de l’ensemble de la proposition de loi avec le droit international.

Pour rappel, l’article 24 prévoit de punir «d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende» le fait de diffuser des images non floutées d’un policier ou d’un militaire «dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique».

« La simple réécriture de l’article 24 ne résoudra pas ses défauts »

L’article 24, le plus controversé, «prohibe l’usage malveillant» de l’image «ou tout autre élément d’identification» des policiers et des gendarmes en intervention, estiment les experts, parmi lesquels figure la Rapporteure spéciale sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, Irène Khan.
Pour les rapporteurs, qui sont mandatés par le Conseil des droits de l’homme mais ne s’expriment pas au nom de l’ONU, « les images vidéo des abus policiers captées par le public jouent un rôle essentiel dans la surveillance des institutions publiques, ce qui est fondamental pour l’Etat de droit ».

S’ils se satisfont de l’annonce selon laquelle les parlementaires vont entreprendre de réécrire l’article 24, ces experts indépendants auprès du Conseil des droits de l’homme de l’ONU considèrent qu’il faut « aller plus loin et repenser l’objectif de la proposition de loi dans son ensemble…La simple réécriture de l’article 24 ne résoudra pas ses défauts, et cette disposition n’est certainement pas la seule dans la proposition de loi qui porte atteinte aux droits de l’homme », ont-ils insisté, en réclamant une révision « en profondeur ».

Cette proposition de loi a provoqué la colère de certains journalistes et défenseurs des libertés dans toute la France, où des manifestations ont été organisées contre ce que certains considèrent comme une atteinte à la liberté de la presse, voire une dérive autoritaire de l’exécutif. Une nouvelle manifestation contre cette proposition de loi est prévue samedi à Paris à l’appel de la coordination « Stop Loi Sécurité Globale.»

Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a réfuté le « procès totalement infondé » instruit par les oppositions, jugeant ces accusations de dérive liberticide d’autant plus injuste qu’Emmanuel Macron « se bat à l’international pour défendre les libertés ».

Le Monde