C’est ironique de parler des avantages d’un mandat de trop dans une démocratie. Mais en Guinée, on est obligé de dire ainsi les choses parce que ce pays n’a de modèle que lui-même. Pour ce mandat de trop, ses promoteurs avaient promis monts et merveilles que le même Alpha Grimpeur n’avait pu réaliser en dix ans. Quelle ineptie !
C’est le 19 décembre 2019 qu’Alpha Grimpeur est sorti officiellement des bois en ces termes : «Au regard du caractère fondamental et vu les recommandations exprimées par le chef du gouvernement, j’ai instruit le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, en charge des relations avec les institutions républicaines d’élaborer un projet de Constitution dans le sens des recommandations faites par l’ensemble des acteurs ayant pris part aux consultations. (…) J’ai décidé de rendre public le contenu du texte. Ce projet fera l’objet d’une large vulgarisation avant son adoption par le peuple souverain». C’était un secret de polichinelle puisque depuis des mois, ses lieutenants tâtaient l’opinion nationale. Ils ont réussi leur sale coup. Sauf que le partage du gâteau a fait beaucoup de déchus.
Zogbélémou, le dindon de la farce !
Tous les Guinéens sont déchus du troisième mandat, mais la déception varie d’un Guinéen à l’autre. Le premier ou le plus déchu des Guinéens, c’est forcément Maurice Tog-bas Zogbélémou. Ce n’est pas une exagération. C’est surtout sa tribune du 27 mai 2019 qui a constitué un véritable socle pour les promoteurs du troisième mandat en Guinée. Sa tribune cachait très mal les desseins inavoués et trahissait assez aisément sa préoccupation d’assurer une assise légale et scientifique au projet anticonstitutionnel de troisième mandat. L’éminent Pr Zogbélémou a ainsi trahi son «propre enfant» (Constitution de 2010) dont il est l’un des grands rédacteurs avec feu Kèlèfa Sall et cie. Pour quel dessein ? En visitant le parcours politique de cet éminent juriste, on peut trouver quelques motivations. Après avoir refusé de démissionner du CNT à la demande de son parti et après avoir quitté l’Ufr en 2012, l’ancien ministre de la Justice cherchait à rebondir dans les grâces d’Alpha Grimpeur pour relancer sa carrière politique. Il aurait prêté ses services de façon officieuse au Palais Sékhoutouréya jusqu’à ce qu’il publie sa tribune. Juste quelques jours après la démission du ministre de la Justice, Cheick Sako. Certains observateurs y voyaient le premier coup de grâce qu’Alpha Grimpeur voulait donner à la Constitution de 2010 à travers l’un de ses éminents rédacteurs. La promesse aurait été grande, notamment le Zogbélémou devrait prendre la place du ministre démissionnaire. Mais vu le tollé que le départ de Sako a soulevé et les arguments étalés dans sa lettre de démission, Alpha Grimpeur lui a argué que sa nomination au ministère de la Justice allait être perçue comme une sorte de récompense après sa tribune qui a permis d’avoir des arguments pour rejeter la Constitution de 2010. Il lui aurait miroité un autre poste plus prestigieux qu’un simple ministère. Il fallait qu’il accepte d’être dépité du Rpg après les législatives du 22 mars 2020. Puisque le Prési Alpha Grimpeur a fait sa répartition régionale des institutions de la République, Zogbélémou se voyait ainsi remplaçant de Kory Kondiano à la tête de l’Assemblée nationale. Donc, deuxième personnalité du bled après Alpha Grimpeur. Il a gobé le topo, mais c’était mal connaître le «boulanger» de Sékhoutouréya. Les dépités Covid-19 élus, Zogbélémou et tous les autres dépités ressortissants de la région forestière voient leur rêve devenir un cauchemar. Le Prési Grimpeur a trouvé un «nouveau forestier» plus apte à la tête de l’Assemblée nationale en la personne d’Amadou Damaron-ron Camara qu’un Maurice Togba Zogbélémou qui a cisaillé son propre enfance (Constitution de 2010) pour son ambition personnelle. La déception atteint son summum au point qu’il ne peut même pas avoir la présidence de la commission des lois ou d’une autre commission du Parlement COVID-19. Il n’est qu’un simple membre de la commission des lois. Le pauvre ! C’est le grand perdant qui a déblayé le chemin pour les promoteurs du troisième mandat. La désillusion a été tellement forte que notre éminent professeur Zogbélémou a donné sa langue au chat face au débat de la falsification de la nouvelle Constitution. Il n’a absolument rien à dire.
Le Moutard «Abara guè landé» des NFD !
La pancarte «Abara guè landé» du Moutard des Nfd, ministre de la Jeunesse, à l’aéro-hangar de Cona-cris, est l’une des images marquantes du chemin honteux de l’adoption de la nouvelle Constitution. Même si les NFD avaient perdu presque la quasi-totalité de sa crème, il restait encore quelques jeunes qui croyaient aux idéaux de sa création. Mais quand son prési est parti à la mangeoire du Prési Alpha Grimpeur, le parti a perdu le peu de crédibilité. Pire, la pancarte de la honte qu’il a brandie pour montrer son reniement à la défense des principes démocratiques a acté sa descente aux enfers. Le Prési Alpha Grimpeur l’a bien récompensé pour ne pas dire l’a réduit au silence. Se basant sur le risque qu’il a pris pour défendre le troisième mandat en Moyenne Guinée, fief de l’opposition, le Moutard pensait monter en grade dans le partage du gâteau. Le locataire de Sékhoutouréya lui a servi le même plat alors qu’il voulait changer de menu. Il voulait lui forcer la main en déposant sa lettre de démission. Il n’en fallait pas plus, les caciques du Rpg qui, n’ont jamais digéré ce rapprochement, ont pris la balle au bond pour approfondir le fossé entre les deux hommes. Le Moutard a été simplement rayé de la mangeoire. Humilié, le Moutard est allé cacher sa honte chez les Sénégalaids pour préparer son doctorat qui était sûrement au second plan. Il est le deuxième grand déchu après Zogbélémou.
Mandat des jeunes et des femmes, mon œil !
Comme son second mandat, Alpha Grimpeur avait dédié cet autre mandat aux jeunots et aux nounous. En regardant le premier gouvernement du troisième mandat, on peut compter le nombre de femmes. Sur 37 ministres, on compte 11 nounous ministres, soit 29,72%.
C’est pire pour les jeunes, si l’on se réfère à la charte africaine de la jeunesse qui dit qu’un jeune, c’est entre 15 et 35 ans. Avec cet intervalle, le troisième mandat n’est pas dédié aux jeunes. Aucun ministre du gouvernement n’a 35 ans ou moins. Ceux considérés peut-être comme des jeunes en Guinée sont les ministres des Mines ; de la Communication ; de l’Enseignement technique, de la formation professionnelle ; des Investissements ; des Droits et de l’autonomisation des femmes. (Excusez du peu !) Ne me demandez pas si le ministre de la Jeunesse est jeune.
Haute-Guinée, un fief désespéré !
Depuis le début de l’année, la Haute-Guinée est en ébullition. Les habitants n’hésitent plus à manifester leur ras-le-bol face aux nombreuses promesses non tenues. L’horizon est en train de s’assombrir, cette région qui a souffert le martyr pour le Rpg et son prési Alpha Grimpeur est déchu. L’honorable Sékou Savané, le lion de la savane, ne dira pas le contraire. A Siguiri, Kankan, Kérouané, Kouroussa, on a vu des manifestations qu’on ne pouvait imager surtout en ce début du troisième mandat.
A Cona-cris, un Collectif des jeunes frustrés du Rpg a vu le jour. L’heure n’est plus à l’attentisme. C’est maintenant ou jamais, pensent ces jeunes frustrés du parti. Le déguerpissement des emprises des voies publiques a montré le vrai visage du régime Condé. Le slogan «Walou akha kha wali ragnon» (laisser lui terminer son travail) a été opposé à ceux qui ont soutenu le troisième mandat et qui ont perdu leurs maisons qui n’étaient pas sur les emprises des voies publiques. De Kaloum à Coyah et Dubréka, tous ceux qui ont été touchés par les démolitions des maisons, boutiques ou magasins sont les autres déchus du mandat de trop du Prési Alpha Grimpeur.
Abdoulaye S. Camara