A l’instar de ces dernières années, la célébration de la fête internationale du travail ne se déroulera pas sous le signe de l’unité syndicale. La dizaine de centrales syndicales du pays vivra en rangs dispersés ce 1er mai 2021. C’est un secret de polichinelle aujourd’hui, le mouvement syndical guinéen n’a plus fière allure. Fers de lance des mouvements de contestation de janvier et février 2007, les syndicalistes ont depuis belle lurette failli à leur sacré devoir. Par la force des choses, beaucoup d’entre eux ont mis à profit leur statut pour avoir des postes de responsabilité dans l’administration. La pratique a sérieusement affaibli le mouvement et porté un sévère coup à sa crédibilité.

En l’espace de dix ans, le mouvement syndical guinéen a perdu de sa superbe et a déçu tout l’espoir placé en lui. Cette surprenante métamorphose a pris sa genèse à partir de 2007, après la constitution du gouvernement de consensus, qui a enregistré en son sein la présence de syndicalistes. Pour la petite histoire, cette présence a une explication. A la suite des accords signés sous les auspices du général Babaguinda du Nigéria, la question de proposer des syndicalistes au gouvernement fut longuement débattue par l’Inter centrale à la Bourse du travail. La majorité favorable à cette proposition l’emporta avec l’argument que les syndicalistes ministres devaient être les yeux et les oreilles de l’Inter centrale au sein du gouvernement. La décision a fait long feu, puisqu’au fil du temps, le syndicat n’arrivera plus à être indépendant du pouvoir. Comme dirait l’autre, on ne peut pas être juge et partie.

Aujourd’hui, miné par des problèmes de leadership, notre mouvement syndical n’est plus en phase avec les profondes aspirations des travailleurs du pays. En plus de la compromission des syndicalistes avec le pouvoir, il y a lieu de souligner la crise qui a longtemps secoué la CNTG, la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée, depuis son 16ème congrès en septembre 2011. Première et unique centrale syndicale sous la coupe du PDG, la CNTG n’a pas su surmonter les antagonismes nés au moment de son fameux congrès de septembre 2011. Une situation regrettable qui a laissé des traces sur le fonctionnement de cette centrale et du mouvement syndical en général.

A la suite d’une longue procédure judiciaire entre les deux protagonistes, finalement de guerre lasse, El Hadj Yamoussa Touré a finalement créé une nouvelle centrale syndicale, la COSATREG, Confédération syndicale autonome des travailleurs et retraités de Guinée.

L’implosion de l’USTG

A l’instar de la CNTG, l’USTG, l’Union Syndicale des Travailleurs de Guinée, une centrale issue de la CNTG en 1993, n’a pas résisté au syndrome de la division. Les problèmes de cette centrale ont commencé lorsque le congrès convoqué à Mamou du 26 au 28 octobre 2018, a été annulé par le secrétaire général, feu Louis M’Bemba Soumah au moment où tous les congressistes étaient en place à Mamou. Une décision rejetée par les congressistes, qui organisèrent le congrès ayant conduit Abdoulaye Camara au secrétariat général de l’USTG. Ce qui créa de facto une dissidence au sein de cette centrale. Avec pour conséquence, la convocation d’un autre congrès le 19 et le 21 novembre 2018, qui porta à la tête de l’USTG Bis Abdoulaye Sow. Et depuis, les deux bureaux exécutifs se livrent une bataille juridique des plus féroces. Les effets collatéraux de cette adversité affaiblissent conséquemment le mouvement syndical. Chacune des deux parties profitent de la moindre occasion pour porter un coup à la partie adverse. Sur le terrain, au plan de la syndicalisation, c’est à qui mieux mieux pour l’adhésion des travailleurs. Les scènes de violence enregistrées le 1er mai 2018 au palais du peuple en disent long sur l’état d’esprit de nos syndicalistes. Ils donnent ainsi l’occasion aux tenants du pouvoir de rire sous cape….et de se frotter les mains. Avec une classe politique affaiblie, une société civile atone et des syndicats aphones et divisés, adieu les contre-pouvoirs ! C’est la voie royale à toutes les dérives.

Quoi qu’on en dise aujourd’hui, au regard de la détérioration permanente du pouvoir d’achat des travailleurs, le mouvement syndical est sérieusement interpellé par rapport au mandat des centrales syndicales du pays. Dans cet ordre d’idées, le principal grief que l’on pourrait retenir contre ce mouvement syndical est la liquidation de la Sotelgui et de bien d’autres entreprises.

Sur un tout autre plan, la tradition a été établie lors de la commémoration de la fête internationale du travail le 1er mai, de présenter un cahier de doléances au gouvernement. Une fois la fête passée, aucun suivi n’est assuré pour la discussion des problèmes répertoriés par les centrales syndicales. L’attitude nous mène à une situation de perpétuel recommencement.

A l’ère de la mondialisation, qui a pour conséquence la fusion et le regroupement des grandes entreprises, les relations de travail deviennent de plus en plus complexes. D’où la nécessité pour les syndicalistes d’être bien au fait des questions économiques. Les mutations qui se sont opérées depuis quelques années ont fondamentalement changé le rôle actuel des syndicats. Dans le contexte présent, les syndicalistes doivent être à même d’appréhender et d’anticiper sur les problèmes qui assaillent les travailleurs de tous les secteurs d’activité. Aussi, avons-nous besoin aujourd’hui d’une nouvelle race de syndicalistes aptes à répondre aux profondes aspirations des travailleurs.

Cheick Tidiane