La sagesse africaine enseigne : «Tu as beau placer le crapaud sur le piédestal, toujours il dégringole.» La junte du colonel Doum-bouillant l’a appris à ses dépens en voulant rabibocher les anciens présidents vivants avec leurs familles respectives. Du reste, ils ne font que trois, les-ex de notre Présidence. Tous en Guinée, depuis le 18 décembre 2021 pour Sékouba Konaté, le 22  pour Moussa Dadis Camara. Anciens ou récent, ils ont fêté Noël ensemble en famille, chez le Colonel Doum-bouillant. L`occasion n’aura été que trop belle pour faire pleuvoir remerciements et «rabbanas.» Périmées ou non, les Premières Dames sont restées bouche cousue. Lauriane-Teint-Clair a dû s’ennuyer.

Seul Alpha Condé manquait à l’appel. Mais personne n’a daigné demander pourquoi. Personne, non plus, n’a donné les raisons pour lesquelles ces deux officiers supérieurs de l’armée guinéenne qui se sont partagé la junte militaire de 2008 ont décidé de s’entendre pour aller en exil l’un après l’autre. Dadis, à Ouaga, après avoir frôlé la mort par balle interposée,  le 3 décembre 2009 ; Sékouba, à Paris, à l’issue d’un impeccable garde-à-vous présenté au Palais du Peuple  le 21 décembre 2010 à l’occasion de l’investiture d’Alpha Grimpeur, «le premier président-démon-crac-tiquement élu avant le scrutin.»

 Si tout ce protocole vise à l’intégration familiale et sociale des hommes qui nous gouvernent, pour Alpha Condé, c’est raté. Comme il se doit. On aura vu la junte venir.  Tyran jusqu’au 4 septembre, il a fini par être conduit au domicile de son épouse à Landréah en quête de chaleur familiale et humaine, ne serait-ce que pour atténuer les premiers soubresauts de la descente aux enfers. Mais rien n’y a fait. Ce n’est point-là le genre d’Alpha Condé. Il ne connaît l’autre, il ne considère  l’homme en face que dans sa partie manipulable. Tout le reste est bestialité. «Vous n’avez ni père ni mère, ni oncle ni tante…» avait lancé Sékou Touré à l’intention de sa 5è colonne, dans un de ses poèmes-fleuves, post 22 novembre 1970. Pour Alpha, c’est du pareil au même. Tout est flou. Lui-même le dit : il n’a pas hérité d’un État, mais d’un pays, qu’il s’est ingénié à diviser davantage par excès de manipulations.

Il rejoint le domicile de son épouse (fourni par l’État), celle-là se confond en excuses pour absence prolongée. La famille politique, bien qu’arc-en-ciel, est quelque peu aphone. A se demander si le Doum-bouillant du 5 septembre n’a pas libéré jusqu’aux opprimés du silence. Côté famille biologique, c’est  carrément ahurissant. Le fils a oublié le père. Mohamed est-il dans la salle ?

Côté purement ethnique, on ne s’en sort pas du tout. L’ex «Père de la Nation» est un Malinké d’on ne sait où. Franchement. Son père, le grand-père de la nation, s’appelle Mamadou Koné, non Condé. Les oncles maternels viendraient de la Basse-Guinée, mais avec des historiographes de la taille de Makanéra Kaké, rien n’est sûr. Pis encore, ces bruits qui nous viennent de Kita, au Mali, en ajoutent à l’incertitude. Apparemment, il n’est pas donné à tous les chefs de retrouver une vie familiale harmonieuse dans cette Guinée de Septembre. Que l’on  soit au 5 ou au 28. Le problème est ailleurs. Dans tous les quartiers latins de France et de Navarre, on sait que «pour enseigner le latin à Jacques, il faut connaître et Jacques et le latin.»

Diallo Souleymane