C’est avec une grande déception que nous suivons la crise dans le secteur financier guinéen. Face à une telle situation, les autorités monétaires du pays n’ont entrepris aucune action allant dans le sens de la résolution du problème afin d’éviter la fermeture de ces Institutions pour la deuxième fois ce lundi 18 juillet 2022. Jusqu’à quand allez-vous continuer à garder le silence face à cette situation désastreuse ? Voudriez-vous assister à la banqueroute d’Ecobank et Afriland First Bank ? Les banques devraient-elles désormais arrêter de distribuer du crédit pour éviter d’être trainées en en justice par certains clients ?
Et pourtant, la fermeture ne serait-ce que des banques aura un impact très considérable sur le mode de fonctionnement de l’économie nationale. A savoir que l’instabilité occasionnée par cette situation enverra certainement un mauvais signal à l’international tout en accroissant « le risque pays » surtout que nous sommes dans une phase de transition politique.
Revenant sur le sujet, objet de polémique, l’on entend en longueur de temps des clients se plaindre du système bancaire notamment en ce qui concerne la distribution des crédits. Bon nombre d’entre eux estiment que les banques ne financent pas leurs activités. Et pourtant, en prenant ce risque conformément à sa vocation, elles ont perdu plusieurs milliards de francs guinéens, car beaucoup de clients ne remboursent point leur dette. Toutefois, il convient de souligner que le « sous-financement de l’économie guinéenne » trouverait son explication en grande partie dans l’estimation du risque associé à une grande partie des PME, mais aussi des grandes entreprises.
De plus, la réticence des banques à fournir davantage de crédits à l’économie résulterait également du manque de projets d’investissement bancables, des lacunes en matière de production des états financiers et d’un système judiciaire faiblement développé et souvent incapable de régler les litiges potentiels entre prêteurs et emprunteurs comme c’est le cas aujourd’hui, pour ne citer que ceux-ci.
Cependant, nous convenons que la problématique du financement de l’activité économique reste et demeure un défi majeur auquel l’économie guinéenne reste encore confrontée. Pour preuve, les résultats d’une enquête sur le financement bancaire de l’économie guinéenne réalisée en 2015-16 par la Société financière Internationale du groupe de la Banque Mondiale, l’entreprise formelle guinéenne moyenne et non agricole se finance avec ses fonds propres ou bénéfices non répartis à hauteur de 92% pour ses investissements et 90% pour ses fonds de roulement. Parmi les sources de financement externe des investissements, seul l’emprunt auprès des banques privées est significatif car, il représente 2,8% du total de ses investissements (cité par Sékou Falil, Makan Doumbouya, Sékou Sadia, Mai 2018).
Selon le même rapport, 27% des entreprises formelles non agricoles sont exposées aux contraintes de crédits. Malgré cette situation, près de la moitié de ces entreprises n’ont pas demandé de prêts, car elles estiment qu’elles ont un capital suffisant. Ce qui parait, à notre sens, très surprenant qu’une entreprise refuse un crédit pour développer son activité parce qu’elle prétend avoir suffisamment de capitaux pour faire face à ces besoins de financement.
Ainsi, le problème de financement des entreprises formelles guinéennes ne résulte-t-il pas essentiellement de sa déconnexion au système financier guinéen ?
Enfin, au lieu de s’attaquer aux véritables problèmes économiques de notre pays notamment le chômage massif, l’extrême pauvreté, l’inflation qui, d’ailleurs, a fini de ruiner les Guinéens etc., on passe tout le temps à se concentrer sur des faux débats qui n’aident point le pays à tendre vers une croissance économique inclusive (cas de la convocation du Secrétaire général Abdoulaye SOW à la DPJ). Pourtant, les banques participent activement à la création de la richesse dans ce pays, malgré le fait qu’elles soient très limitées dans leur activité en raison de la faiblesse du régulateur (qui est d’ailleurs très loin derrière certaines d’entre elles qui sont des filiales des grandes banques).
A notre humble avis, nous ne pourrons être au rendez-vous que si nous parvenons à améliorer l’environnement des affaires, avec en particulier la mise sur pied d’un système judiciaire sain, facilitant le règlement des litiges contractuels entre prêteurs et emprunteurs (Kauffmann, 2005). Même si, la mise en place effective de cette mesure demandera un certain nombre d’années, il serait judicieux d’y penser maintenant, car c’est le bon moment…
Safayiou Diallo
Citoyen guinéen