Tout ou presque a commencé avec la création en 1946 par le Malien, Madeira Kéita, du Parti Progressiste Africain de Guinée, PPAG, dont il fut le Secrétaire Général. Sékou Touré y adhère pour occuper le poste de Secrétaire-adjoint aux affaires sociales. En 1947, le PPAG participe à la Conférence de Bamako et adhère au RDA de Félix Houphouët-Boigny. À ce moment, il réussit à mobiliser des adhérents parmi les leaders des partis communautaires qui existaient alors.
En 1949, la ligne politique du RDA, alors progressiste, dérange le pouvoir colonial, parce que le RDA est allié au Parti Communiste Français et prône l’indépendance immédiate. En conséquence, les brimades de l’administration coloniale s’abattent sur tous les démembrements du RDA, notamment en Guinée et le PPAG voit toutes les sections abandonnées, sauf celle de Labé.
Le 1er congrès qui se tient cette année constate l’abandon des militants, et Madeira Kéita fait un rapport à Houphouët-Boigny qui décide de sauver la section guinéenne du RDA.
Pour cela, il demande aux militants volontaires du PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire) originaires de Guinée, de retourner en Guinée pour relancer la section locale du RDA. N’zérékoré est choisi comme point de regroupement et zone d’action pour ces volontaires. Il faut recruter des militants et vendre les cartes du Parti pour renflouer les caisses et préparer la campagne de 1951. Mais le PPAG n’a pas de cartes, il décide alors d’utiliser les cartes du PDCI en transformant PDCI en PDG. D’où l’introduction de l’éléphant qui figurait sur les cartes du PDCI ainsi recyclées.
En 1952, Sékou Touré figure sur la liste des candidats du PDG à N’zérékoré mais malgré le soutien actif d’Houphouët-Boigny, il ne remporte aucun siège. Après une période de formation politique et sociale en Europe, tant en France que dans le bloc soviétique, Sékou se lance dans l’arène politique de la Guinée. En 1951, apparaît la liste d’Union démocratique des travailleurs et des anciens combattants dont il est l’instigateur ; elle recueille 14,3 % des voix mais n’a pas d’élus. En 1952, Sékou Touré se présente pour la première fois sous l’étiquette du R.D.A. à N’Zérékoré : il est battu. En 1953, meurt le député titulaire, Paul Tétau, il se présente aux élections locales partielles à Beyla et obtient un siège de Conseiller territorial.
En 1954, après la mort du député socialiste Yacine Diallo, il se présente sous la liste de l’Union Démocratique et Sociale aux élections complémentaires sur le plan national : il est encore battu, mais obtient 34,6 % des suffrages. En 1956 aux élections générales à l’Assemblée Nationale française, la liste R.D.A. présente des candidats partout et obtient 62 % des voix exprimées. En 1957, le succès s’affirme aux élections pour l’Assemblée Territoriale, 57 élus sur 60 appartiennent au R.D.A. Il faut alors rappeler que dès 1955, Houphouët-Boigny avait pris soin d’intensifier son appui. Il suscite un congrès de la Section locale du RDA et vient spécialement à Conakry pour peser de tout son poids. Sékou Touré réussit à se faire imposer comme Secrétaire Général du PDG, face à Amara Soumah. Cela, en échange du sabordage de la CGT au profit de l’UGTAN, ce qui lui vaudra aussi, depuis Dakar, le soutien et la collaboration du Gouverneur Général de l’AOF, Bernard Cornu-Gentil.
Entretemps, hébergé et soutenu à Paris par Keita Fodéba depuis fin 1949, Sékou Touré renforce sa formation de syndicaliste en France. Il passe ainsi de leader du syndicat des agents PTT en Guinée à celui de la branche de la Confédération Générale des Travailleurs (CGT) de France en AOF. La CGT était liée au Parti Communiste français dont le RDA s’était séparé pour se rapprocher du Parti Socialiste Français. François Mitterrand était passé par là.
Depuis Paris, Houphouët-Boigny propose à Sékou Touré de quitter la CGT pour diriger le nouveau Syndicat (UGTAN) que le RDA avait créé pour diminuer le poids de la CGT en Afrique. Sékou accepte et demande en échange que l’UGTAN soit lancée à Conakry et qu’à cette occasion, Houphouët-Boigny l’appuie pour organiser dans la foulée un congrès du PDG, lui permettant d’en devenir le Secrétaire Général. C’est ainsi que, pour la 2ème fois, en 1955, venant personnellement et spécialement à Conakry, Houphouët-Boigny relance le PDG en Guinée, mais cette fois, en faisant de Sékou Touré le Secrétaire Général de ce parti qui restait la Section locale du RDA.
Il faut noter que les colistiers de Sékou sur la liste « Travailleurs et anciens combattants,» sont tous deux des anciens militaires revenus de la seconde guerre mondiale, en particulier, Barry Mamadou Diouldé de Kéniéwoula (Tougué) avait atteint le grade de capitaine de l’armée française. En 1957, totalement dans le giron du pouvoir colonial, voilà Sékou Touré naturellement vice-président du Conseil du Gouvernement de la loi-cadre Gaston Deferre. Tous ces mic-macs et autres revirements pro-coloniaux n’ayant jamais été expliqués à la base, le PDG-RDA continuera de jouir de son aura de parti anti colonialiste.
Aussi, le 25 Août 1958, l’étape de Conakry réservera-t-elle une mauvaise surprise au Général de Gaulle à travers le célèbre discours de Sékou Touré prononcé à l’actuel siège de la HAC qui servait de gite à l’Assemblée Territoriale de la Guinée Française. En réalité, le PDG avait constitué deux commissions pour préparer les allocutions de Saïfoulaye et de Sékou Touré, respectivement président de l’assemblée territoriale et vice-président du Conseil du Gouvernement de la loi-cadre.
Le contenu du discours n’aurait pas dû poser problème puisqu’il avait été préalablement envoyé à Pierre Mesmer qui l’avait lu et annoté et la version finale expédiée à Gabriel d’Arboussier lors de son passage à Abidjan en compagnie du Général de Gaulle. Mais celui-ci est arrivé à Conakry sans l’avoir lu. On l’accuse d’avoir dormi dans la Caravelle présidentiel durant toute la traversée. Pour empirer les choses, Sékou Touré avait non seulement mémorisé ce discours, il avait aussi pratiqué la gestuelle devant un miroir avant de « préparer la salle.»
Avant l’arrivée de de Gaulle, des militants avaient été placés dans divers endroits pour applaudir Sékou à tout rompre. Ils semblent avoir correctement joué leur partition. C’est qui aurait contribué à accroitre l’ire de l’hôte de marque. Bonjour la rupture ! Le Secrétaire Général du PDG a appris à la dernière minute qu’il a été rayé du cortège qui devait raccompagner le Général jusqu’à Dakar. Quelque deux semaines plus tard, le 14 septembre 1958 à la conférence de Mamou, Sékou Touré opta pour le non sous la pression d’Ismaël Touré et …vive la République.
KS