Avant tout, il faut reconnaître que les problèmes de l’éducation en Guinée sont généralement connus de tous. Ils ont été répertoriés ces dernières années par toutes les assises consacrées à l’éducation et à la formation. Des solutions pertinentes avaient été préconisées, mais, faute de volonté et surtout de moyens, ces solutions sont restées lettres mortes. Si l’on veut éradiquer ces problèmes, il suffit de réexaminer ces solutions, de les réadapter au moment, d’engager les réformes en y apportant les moyens requis.

2.1       Les enseignants

Il faut s’assurer que n’enseignent au public comme au privé que ceux qui en ont reçu la formation, et ont de ce fait été accrédités. Le « permis d’enseigner » n’est délivré qu’à celui qui a été formé et certifié par l’ENI ou l’ISSEG. Etant donnés les importants besoins en enseignants, certaines institutions d’enseignement supérieur pourraient être mises à contribution pour la formation pédagogique, en plus de la formation classique qu’elles dispensent. Certains enseignants retraités qui ont encore la force et la volonté pourraient être engagés comme contractuels, afin de combler les déficits inévitables.

Une rigoureuse gestion des ressources humaines grâce au numérique permettra de répartir les enseignants en fonction des besoins sur toute l’étendue du territoire national. Il sera mis fin aux engorgements en enseignants à Conakry, ses environs, ainsi que dans les capitales régionales, alors que les campagnes et certaines zones enclavées en manquent totalement.

2.2       Les élèves

Une pédagogie de choc sera appliquée pendant une période transitoire dont la durée sera fixée en fonction des lacunes détectées. L’accent sera mis sur les fondamentaux à savoir : la maîtrise de la langue française d’enseignement, du raisonnement mathématique, l’aptitude à l’autoformation, la discipline. Pour ce faire, l’élève sera mis au centre de son apprentissage, grâce à une pédagogie active fondée sur l’approche par les compétences. Les TICE pourront contribuer à assurer une formation interactive moderne.

2.3       Les effectifs dans les classes

A aucun moment, il ne faudra dépasser la limite de 50 élèves par classe. Pour y arriver, des tests rigoureux seront administrés aux effectifs actuels afin de ne retenir que les plus méritants. Quant aux recrutements, les directions seront rendues responsables de tout manquement à la nouvelle règle. Parallèlement, un important effort sera déployé en construction de salles de classe, dans le but de résorber les déficits et de tenir compte des besoins à venir.

2.4       Les manuels scolaires et le matériel didactique

Les manuels scolaires doivent être rendus disponibles dans toutes les écoles. Leurs contenus, conformes aux programmes enseignés, doivent refléter les réalités africaines et respecter les normes scientifiques universelles. Des bibliothèques, des C.D.I. bien équipés en matériel informatique seront ouverts dans toutes les grandes écoles. Des laboratoires fonctionnels doivent permettre aux élèves de lier la théorie à la pratique. Les enseignants doivent pouvoir innover dans la collecte et la fabrication du matériel didactique. Ils doivent, à certaines occasions, organiser des sorties de classe pour des buts pédagogiques (foyers artisanaux, sites historiques ou géographiques …)

2.5       Les programmes d’enseignement et les méthodes pédagogiques

L’INRAP doit prendre toutes les dispositions en vue de diversifier les filières d’enseignement pour les adapter aux besoins du monde du travail et ainsi rénover tous les programmes. Pour ce faire, de larges concertations sont nécessaires et un personnel compétent et dynamique est indispensable.

Les méthodes pédagogiques modernes les plus en vue doivent être adoptées et largement apprises aux enseignants qui seront rendus entièrement responsables de leur choix et des résultats chez leurs élèves. L’INRAP, tout en mettant en œuvre les résultats de ses propres recherches, doit s’ouvrir aux institutions similaires de certains pays comme le Sénégal, le Québec, la France … dans le but de valider sa démarche et d’acquérir des innovations.

2.6       L’encadrement pédagogique

C’est dans la salle de classe que l’essentiel du processus enseignement-apprentissage se déroule. C’est à ce niveau donc qu’il y a lieu de concentrer toute l’attention et de déployer tous les efforts. Des élèves en nombre limité, ponctuels, assidus et disciplinés sont pris en charge par des enseignants bien formés, consciencieux et motivés. La direction de l’établissement tout comme l’équipe d’encadrement pédagogique veille à ce que tout se déroule normalement au quotidien : leçons préparées et visées, cours bien dispensés, contenus assimilés, devoirs traités et corrigés…

Il est indispensable de former et de déployer des conseillers pédagogiques, des animateurs pédagogiques ainsi que des inspecteurs, dans le but de veiller à l’effectivité et à la qualité des enseignements-apprentissages. Des visites de classes, des inspections, des séances d’animation pédagogique seront planifiées, financées et systématisées tout au long de l’année scolaire. Les ressources employées à la réalisation de ces objectifs produiront inévitablement des résultats positifs aux diverses évaluations.

Les meilleurs enseignants seront cités en exemples et récompensés. La plupart d’entre eux seront inscrits au recyclage et à la remise à niveau. Les plus faibles seront purement et simplement soustraits des classes et redéployés ailleurs.

2.7       L’évaluation : Il est d’abord primordial que toutes les institutions de formation d’enseignants inscrivent dans leurs programmes un apprentissage systématique de l’évaluation. Ensuite, tous les enseignants en activité doivent être soumis à une formation théorique et pratique de l’évaluation.Aucun enseignant ne devrait achever son cours sans procéder à une évaluation à chaud. Aussi pourra- t- il progresser sans difficulté ou alors revenir sur certaines notions ou certains aspects insuffisamment compris.Les évaluations périodiques comme les interrogations écrites, les compositions mensuelles ou semestrielles doivent se dérouler dans des conditions optimales : quoi évaluer ? (Connaissances, compréhension, application …) ; barème de notation ; notes proclamées devant tous les élèves de la classe ; copies remises aux élèves ; correction collective obligatoire ; classement objectif des élèves ; diffusion des résultats aux parents d’élèves. Les directeurs d’écoles, les principaux et les proviseurs doivent veiller à la bonne moralité des évaluations. Ils doivent dénoncer et sévèrement sanctionner tous les enseignants coupables de malversation.

Si tout le système éducatif s’habitue à cette pratique vertueuse et transparente de l’évaluation, il ne sera plus nécessaire de déployer tant de ressources et de focaliser l’attention de toute la population sur les examens nationaux. Du reste avec les colossales ressources financières et humaines mobilisées chaque fin d’année, il serait possible de corriger les manquements dont souffrent nos examens de fin d’année : organisation d’une 2è session de rattrapage pour les élèves ayant manqué la moyenne à certaines matières ; session orale obligatoire pour tous les élèves reconnus admissibles au baccalauréat. Ce faisant, notre pays aura rendu une immense justice à ses candidats et rejoint ainsi ceux dont les pratiques sont reconnues irréfutables et modernes.

2.8       La formation continue des enseignants

Il faut inscrire la formation continue des enseignants dans leur gestion de carrière. Tout acquis réinvesti en classe sera apprécié et validé. Si le recrutement dans le métier est strictement conditionné à la certification par les ENI et l’ISSEG, la formation continue devrait poser moins de problème et consister à une nécessaire remise à niveau et à la maîtrise des innovations.

Le principe du « permis d’enseigner », appliqué et régulièrement renouvelé grâce à l’intervention des inspecteurs, des conseillers et des animateurs pédagogiques sera suivi de la détermination des besoins réels de formation de chaque enseignant (besoins exprimés ; besoins ressentis ; besoins constatés …)

Le gouvernement, dans le souci de qualifier le système d’enseignement-apprentissage et d’améliorer ainsi les résultats scolaires, doit allouer dans son budget une part importante à la formation continue des enseignants. Chacun d’entre eux devrait bénéficier de sa part de formation continue dans le budget de l’Education Nationale. Si les partenaires techniques et financiers, les ONG et les Institutions internationales programment et financent des activités complémentaires de formation continue des enseignants, ce serait tout simplement un plus pour notre système éducatif.

Les centres préfectoraux et régionaux de formation continue ainsi que la Direction Nationale de la Formation et du Perfectionnement Professionnel des Personnels mettront en place et harmoniseront, chacun en ce qui le concerne, un programme national de formation continue des enseignants qui ne laissera personne de côté. Ainsi les centres de formation continue pourront être redynamisés, avec un personnel compétent et motivé. Les mêmes cadres ayant planifié et encadré la formation continue des enseignants suivront le réinvestissement des acquis dans les classes. C’est le prix à payer pour bénéficier de cet accompagnement professionnel. Il reste entendu que tous les enseignants, du public et du privé, seront traités de la même manière.

2.9       Les conditions de vie et de travail des enseignants

L’Etat et les promoteurs des écoles privées doivent se concerter afin de créer les meilleures conditions de vie et de travail des enseignants : classes agréables et sécurisées ; effectifs d’élèves soutenables ne dépassant jamais 50 par classe ; manuels scolaires et matériels didactiques suffisants et adaptés ; programmes d’enseignement et guides méthodologiques réajustés aux besoins de la société actuelle et moderne ; salaires consistants pouvant mettre les bénéficiaires à l’abri des besoins élémentaires ; gestion de carrière incitative et bénéfique…Le gouvernement prendra les dispositions nécessaires à une dépolitisation de la condition enseignante (traiter les enseignants, les promouvoir ou les sanctionner selon leur mérite et non leur appartenance politique). Il mettra ensuite en place un mécanisme de lutte contre la sédentarisation de certains enseignants à leur poste. En fonction des résultats élogieux obtenus grâce à certains enseignants performants, organiser chaque fin d’année scolaire une journée de magnificence et de reconnaissance de leur mérite. Le ministère pourrait à cette occasion, solliciter l’appui de sponsors afin de disposer d’enveloppes consistantes à remettre aux meilleurs d’entre eux. Si cette pratique se renouvelle jusqu’à devenir courante, beaucoup d’enseignants vont chercher à figurer parmi les lauréats, stimulant ainsi une saine compétitivité entièrement bénéfique à notre système éducatif.

III       Conclusion

Pour se relever d’une honte inédite suite à la publication des résultats aux examens scolaires 2022 et amorcer son développement, la Guinée doit résolument engager des réformes structurelles profondes de son système éducatif. D’autres pays avant elle ont réalisé et parfaitement réussi ces réformes. La Corée du Sud constitue à cet effet le plus bel exemple. Scolariser tous les enfants et leur dispenser un enseignement de qualité, voilà un défi majeur. Faire en sorte que l’Education et la Formation favorisent l’émergence d’une jeunesse qualifiée, compétente et compétitive, apte à promouvoir tous les secteurs du développement national. Pour ce faire, il est indispensable de révolutionner le financement de l’éducation par le gouvernement. Celui-ci doit oser et réaliser ce que d’autres font avec succès : donner la priorité absolue à l’éducation et à la formation de la jeunesse en relevant de façon significative le taux alloué à l’Education dans le budget national ; mais aussi mettre en place un système efficace et efficient de gestion financière décentralisée ainsi qu’une démarche conséquente de reddition des comptes et de contrôle à postériori.

El Hadj BAM

 Inspecteur de l’Enseignement à la retraite