En marge de la dédicace de L’Ex ministre : de l’envers à l’endroit de la politique de Lamine Kamara ‘’Capi’’, le 17 septembre, des anciens dignitaires du régime du général Lansana Conté sont passés aux aveux. Fodé Bangoura, Ahmed Tidiane Souaré ou encore Kabinet Komara…, tous sont revenus sur des histoires croustillantes sous l’ancien régime. 

Kabinet Komara : « Je suis membre de la Fondation de Brazzaville, avec Amara Essi de la Côte-d’Ivoire. Amara Essi boitillait. Il était revenu en sur les raisons en ces termes : ‘’Je boitille parce qu’on m’a chargé de régler la crise entre les Sierras-léonais. Fodé Sankhon était en brousse et avait peur de venir. J’ai loué un hélicoptère, on m’a fait descendre par une corde dans la forêt. Il s’est déplacé, craignant que je ne sois avec les Américains. Ils m’ont fait marcher, j’ai glissé et cassé ma jambe. Mais j’ai pu le convaincre d’accepter de signer la paix. Malheureusement il a été par la suite emprisonné. Je garde sur moi aujourd’hui le fait qu’il ait été emprisonné’’.

J’étais très turbulent. Dès l’âge de 29 ans, Makalé Traoré et moi plus une quarantaine de personnes avons été chargés de produire la nouvelle Constitution guinéenne. Le CTRN (Comité transitoire de redressement national) a été mis en place. Makalé et moi étions pressés de sortir du CTRN. Nous ne voulions pas restés cinq ans avec 500 000 francs guinéens. Nous disions des choses crues. Un jour, quelqu’un m’a dit : ‘’Le président Conté est au courant de tous vos agissements’’. Je lui ai répondu : ‘’Est-ce que vous savez que nous sommes sous immunité diplomatique, que nous pouvons parler librement ?’’ Il rétorque : ‘’ Vous êtes classés en trois catégories : ceux qui sont absolument contre nous, ils vont être éjectés. Ceux qui sont hésitants, vous êtes de cette catégorie et ceux qui sont avec nous’’. J’ai été finalement éjecté quelques mois plus tard. Je suis allé voir Lamine Capi, il m’a dit : ‘’Tu parles comme tu veux, ton destin est dans les mains de Dieu’’. Cela m’a ouvert les portes de la Banque africaine de développement.

« Capi » m’a appelé, pour me dire : ‘’Il faut écrire’’…Lamine Capi Kamara a été nommé par Conté parce que quand le Camp Boiro a été ouvert, il y avait beaucoup de haine, chacun parlait de vengeance. « Capi » disait toujours : ‘’Pardonnons, pardonnons’’. Conté a dit : ‘’Je vais te mettre dans mon gouvernement parce que nous avons besoin de paix’’.

Ahmed Tidiane Souaré : En plus de ce qui a été dit de beau, de grand, de vrai, de juste à son endroit, c’est un leader. C’est le président Capi qui a mis du contenu au sein de l’Association des écrivains de Guinée…

Un jour au ministère des Affaires étrangères, vous disiez que dans l’impossibilité de désigner Tierno Monenembo prophète, mission essentiellement divine, vous aviez fait de lui prince de l’écriture. Aujourd’hui, au-delà d’être monument, vous êtes une légende. La jeunesse doit s’en inspirer.

Fodé Bangoura : L’auteur a dit qu’un ministre répondait au Président en étant débout. Ce n’était pas seulement les ministres. D’habitude quand le Président voyage, je passe la nuit au bureau. Un matin, je trouve un message à mon bureau annonçant que nous sommes agressés. Chaque fois qu’il voyage, dès qu’il atterrit, il m’envoie son numéro. Je l’ai appelé, je lui ai dit que nous sommes agressés. Il m’a dit de convoquer tous les officiers supérieurs. Dès que j’ai dit : ‘’Monsieur le Président, ils sont tous au tour de moi’’, tous se sont levés, se sont mis au garde à vous, alors que le Président Conté était à Rabat ! Je n’en revenais pas !

« Capi » est un sage. Ils étaient deux au gouvernement : c’est Koto Cellou (à ne pas confondre avec Cellou Dalein Diallo) et lui. Un jour, on effectuait le voyage Conakry-Libye qui était sous embargo. Il fallait atterrir en Tunisie. D’habitude, le Président s’embarque avant tous les ministres. Malheureusement Koro (Capi, ndlr) était en face du Président de la République et portait le même boubou que lui. C’était silencieux dans l’avion. Nous étions dans la cabine, je rédigeais les messages pour les Présidents des pays qu’on survolait. Je reviens m’asseoir. Koro dit : ‘’Monsieur le Président, mon jeune frère Fodé Bangoura ne m’a pas dit que c’est ce Bazin là que vous portez. C’est de sa faute !’’ A Rabat, on est reçus. Koro ne voulait pas s’approcher du Président. A Tripoli, il s’est hâté d’aller à son hôtel se changer. Je crois qu’il n’a plus porté ce Bazin.

Un autre jour en conseil des ministres, quelqu’un avait provoqué le Président. Il n’était pas de bonne humeur. Constatant que personne ne parlait, il dit : ‘’ Il y a trop de Camara ici !’’ Koro Lamine a répondu : ‘’Vous avez parfaitement raison, mais nos fils sont encore plus nombreux que nous’’. La mère du Président était Camara.

L’autre anecdote, Koro avait ramené un dossier. Il ne savait pas où le Président l’avait mis. On s’est mis à le chercher. Koro a insisté que le dossier était parvenu au Président. Le Président de lui lancer : ‘’Donc, c’est moi qui suis con ?’’ Koro dit : ‘’Vous voyez celui-là (en désignant un autre ministre qui était dans le bureau de Conté), c’est mon élève, mais il est plus con que moi

Béa Diallo : Il y a des gens que vous rencontrez une fois, ils vous marquent à jamais.  J’ai été marqué par son sens de l’humour. Lors de mon combat en 1998, tonton Capi était le parrain. Il m’a beaucoup accompagné dans l’organisation de ce grand évènement. En conférence de presse, on m’a demandé si j’allais gagner le combat. J’ai dit : Soit la ceinture reste en Guinée, soit elle va aux Etats-Unis. Et tonton Capi réagit directement en disant : ‘’Elle n’aura pas de visa !’’ Je voulais, à travers ce témoignage, rendre hommage à tonton Capi. »

Mamadou Yacine Diallo