Dans quelques jours, nous allons tirer un trait sur l’année 2022 avec son lot d’événements heureux et malheureux chez nous et dans la sous-région. Une sous-région marquée par des remous politiques consécutifs à une mal gouvernance tenace. Quand le Burkina, la Guinée et le Mali sont en transition, le Sénégal voisin, qui fait jusque-là le modèle de stabilité institutionnelle focalise l’attention, et pour cause ?
Qu’est ce qui se passe dans la tête d’un président africain pour franchir le pas du coup d’État constitutionnel ? Le phénomène du recours au troisième mandat a des occurrences si nombreuses sur le continent pour qu’on se pose la question. Du colonel Mamadou Tandja du Niger qui avait le souci d’achever ses chantiers, en passant par le capitaine Blaise Compaoré qui trouvait que la limitation des mandats était carrément antidémocratique, à Alassane Dramane Ouattara de Côte d’Ivoire qui a invoqué le sort qui s’acharnait contre ses dauphins désignés, sans parler du professeur Alpha Condé qui trouvait indispensable au bon fonctionnement de la Guinée sa révision constitutionnelle, nous en arrivons à Macky Sall qui semble manifester tous les symptômes de cette pathologie des chefs d’État africains.
Quels sont les signes avant-coureurs communs à toutes ces révisions constitutionnelles ? Les voit-on à l’œuvre au Sénégal avec Macky Sall ? Franchira-t-il le pas politique pour faire ce qu’il a combattu hier ?
Macky Sall, le président de la République du Sénégal, est aussi sur le toit de l’Afrique, car il est également président de l’Union africaine dont la présidence est tournante. Son pays est le voisin de deux pays dont les chefs d’État ont pris le pouvoir par les armes, Mali, Guinée. Mais Macky Sall a l’onction populaire, il peut se vanter d’avoir eu deux fois la sanction du suffrage universel, par une victoire aux élections présidentielles en 2012 et en 2019. Le Sénégal est parmi les États africains ayant le français comme langue officielle, un pays à part, avec une certaine stabilité des institutions depuis 1960.
Il est l’un des rares à être vierge de tout coup d’État militaire. La démocratie sénégalaise n’est pas pour autant solide mais elle a un long parcours historique, une certaine durée. Elle a failli connaître un coup d’arrêt avec Abdoulaye Wade qui a brigué un troisième mandat. Mais l’homme qui a empêché la réélection d’Abdoulaye Wade semble vouloir suivre son ex mentor avec lequel il s’était fâché.
Pour le Président sénégalais la question d’une troisième candidature d’affilée à une élection présidentielle est devenue un serpent de mer qu’il semble manier à merveille, avec délectation et prudence pour ne pas lâcher le mot ou la phrase de trop qui trahirait ses intentions. En dépit de cette prudence, ses affidés ne perdent pas le temps pour battre une campagne déguisée en faveur d’un troisième mandat. Une démarche qui ne laisse guère l’opposition indifférente, qui ne s’en laisse pas conter. Lentement mais progressivement la tension monte crescendo dans le landerneau politique. Avec des risques évidents d’incidents regrettables, qui pourraient se produire. Les signaux étant encore orange, il est encore temps d’apaiser les passions.
Thierno Saïdou Diakité