Il est évident qu’au niveau actuel d’avancement du procès des événements du 28 septembre 2009, on est loin d’arrêter d’interroger. A plus forte raison de s’interroger. Les protagonistes continuent de défiler vaillamment, quelquefois bruyamment, à la barre pour s’accuser. Mutuellement. Les avocats, d’accuser.  Le tribunal, d’exercer son droit naturel d’observer, de noter, d’emmagasiner, le visage emmuré sous le masque impénétrable de la neutralité du moment. Après chaque séance, l’on a hâte de disséquer la séquence suivante. Pour une fois, dans l’histoire des procès politico-criminels en Guinée, Dame Thémis saura nous éloigner des affres de la Toile de Télémaque.

Grâce à des accusés de la taille de Toumba, le nombre des prévenus s’est accru de 11 à 17. Le Guinéen lambda qui ne voit pas souvent de différence entre accusés et coupables, s’interroge déjà sur la modicité du nombre. Comment un stade bondé peut-il se faire massacrer à la suite d’une action même concertée de quelque dix-sept personnes, fussent-elles juchées au sommet de l’État ? Certainement que les citations, les accusations et autres comparutions n’en sont qu’à leur début.  Les gros poissons dans la nasse demandent à être confrontés avec les gros bonnets encore à l’air libre pour que jaillisse la vérité dans toute sa plénitude. El Dadis souhaite vivement qu’El Tigre et Alpha Grimpeur prennent place sur le banc des accusés. Ainsi, toutes les têtes seraient sous le même bonnet. Le Guinéen moyen, lui, ne tarde pas à se prendre la tête entre les mains et se demander si la justice de son pays doit garder le même nom de 1958 à 2022. Des anciens présidents convoqués pour se défendre ou témoigner ? Allons donc ! Que le tribunal continue de conserver la parole.

Mais, à y regarder de près, il n’est pas absurde de prêter une oreille attentive à ces deux anciens chefs d’État, Alpha et Konaté, pour une raison bien simple :  s’assurer une fois pour toutes que, coincé, le premier président de la transition de 2008 ne parle pas de complot par mimétisme, par habitude…présidentielle. Pendant un demi-siècle, de 1958 à 2008, les tout puissants dignitaires qui ont régné sur la Guinée ont consacré leur temps à éventer des complots « ourdis contre le peuple. » Si Alpha et Sékouba se sont donné la main pour comploter contre Dadis et que le tribunal de Dixinn délocalisé à Kaloum soit en mesure de faire jaillir « la vraie vérité », pourquoi se priver d’une telle aubaine ? Ce sera une grande première en Guinée, voire en Afrique sub-saharienne de confronter d’anciens comploteurs et leurs victimes. Qui sait si Alpha Condé ne profitera pas de l’occasion pour mieux expliquer les tenants et les abrutissants du complot dont il a été victime lui-même à son domicile de Kipé, peu après son arrivée au pouvoir en 2010 ?  On sait que ce complot avait réussi à défier toutes les lois, même celles de la nature. Tirées d’en bas, les tôles avaient été percées par le haut. Une vraie première dans le domaine de la pesanteur.

En sus, l’homme de la rue n’a de cesse de s’interroger sur la qualité des contributions que pourraient apporter « les petits bonnets », le menu fretin du procès. La plupart des naïfs du pays souhaiteraient une révision à la hausse du nombre d’accusés, non pas par cynisme, mais à cause de l’étendue des dégâts matériels et humains qui en ont résulté. Du nombre de femmes violées à celui de cadavres enterrés à la va-vite, on peut difficilement s’empêcher de penser que des commanditaires ont réussi à passer entre les mailles du filet. Mais, le procès est toujours en cours, on ne perd rien à attendre. Ou bien ?

Diallo Souleymane