Le Conseil national de la transition (CNT) célèbre l’an un de son existence. Le 6 février, les conseillers et leurs confrères venus de pays « voisins et amis’’, se sont retrouvés à l’hémicycle, en plénière spéciale, pour échanger sur « le parlement et la refondation ».

Le 22 janvier 2022, le colonel Mamadi Doumbouya rendait publique la liste complète des membres du CNT. Dansa Kourouma, controversé patron du CNOSC (Conseil national des organisations de la société civile de Guinée), en a pris les commandes le 5 février 2022. Voilà une année que lui et les 80 autres conseillers font office de députés, légifèrent à la place d’une Assemblée nationale élue. Cette première année est célébrée tambours battants. Depuis le 5 février, des festivités sont organisées à Conakry, d’autres sont prévues à l’intérieur du pays. C’est la même lancée qu’une plénière spéciale a été organisée dans lundi 6 février. Sous le thème : « Parlement et refondation », termes très chers aux transitions au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Cette plénière a réuni les présidents du Parlement du Mali, le Colonel Malick Diaw, de l’Assemblée législative de la transition du Burkina Faso, Ousmane Bougouma, le vice-président du Parlement de la CEDEAO, Sâni Malam Boukary, la vice-présidente du CNT du Tchad, Hadiza Attimer, et leurs délégations. Le président du groupe d’amitié Côte-D’Ivoire-Guinée, Sié Raoul, des représentants des missions diplomatiques et consulaires établies en Guinée, ceux des coalitions politiques, des organisations de la société civile, du patronat, entre autres.

Une vue des invités venus du Burkina et du Mali

Dansa Kourouma, le président du CNT, a motivé cette plénière par la volonté d’engager une «  réflexion commune » avec les délégations parlementaires invitées, sur l’épineuse question de la refondation de l’Etat, de l’élaboration de la nouvelle Constitution, notamment sur la « conciliation intelligente de l’intangibilité de certaines dispositions de la charte constitutionnelle et l’adaptation d’autres à l’évolution historique de nos pays ». Il y voit aussi un moyen d’échanger sur comment sortir de l’hyper-présidentialisme et des dictatures qui, pour lui, renforceraient « les pouvoirs parlementaires à travers de véritables moyens de contrôles des politiques publiques et de l’action du gouvernement ». Dansa Kourouma a également fait cas du rôle prépondérant des parlements dans la mise en place des organes qui assureraient l’indépendance de la justice, la défense des libertés fondamentales, l’organisation d’élections libres et crédibles : « La dévolution du pouvoir au peuple, à travers des élections souveraines, est le début et la fin d’un processus transitoire », fait-il remarquer. Les autres domaines dans lesquels ces organes « législatifs » sont amenés à intervenir, pourraient, selon lui, être les dispositions portant sur le nombre et la durée des mandats électifs, le choix des régimes politiques… Le président du CNT espère de ces débats des « pistes de solutions à nos problèmes de gouvernance ».

Mali, coup d’Etat ou rectification ?

Au lendemain du 5 septembre, le CNRD et ses soutiens s’étaient accrochés à la thèse selon laquelle il n’y a pas eu véritablement un coup d’Etat en Guinée. Ils parlaient plutôt de « prise de responsabilité pour une rectification institutionnelle ». Ils avançaient comme argument le fait que le Président déchu, Alpha Condé, ait tripatouillé la Constitution pour s’offrir un 3e mandat. Au Mali voisin, ce sont les mêmes arguments que tiennent jusqu’à présent les autorités. Pour le président de la commission lois au CNT malien, feu IBK avait rendu « volontairement » le tablier de Président : « Le Mali n’a pas fait de coup d’Etat. Dans les éléments constitutifs d’un Coup d’Etat, il y a la suspension de la Constitution, le Mali ne l’a pas fait, notre Constitution est toujours en vigueur. Il y a aussi le renversement du Président en place, cela ne s’est pas fait. Il a volontairement démissionné… C’est un parachèvement d’un soulèvement populaire ». Malick Diaw égratigne d’ailleurs la CEDEAO suite aux sanctions que celle-ci a infligées à son pays : « Nous disons tous les jours que nous ne sommes pas dans un processus de coup d’Etat pour qu’on sanctionne le Mali. Nous ne comprenons toujours pas ces sanctions », a-t-il soutenu. Pour une refondation réelle, poursuit-il, il faudra commencer par «s’éloigner de la politique de contentement, sinon nous n’atteindrons jamais nos objectifs», clame-t-il. 

Le non-respect de la loi

A cette plénière, les interventions des officiels invités ont tourné principalement autour des violations des lois. Ousmane Bougouma, patron de l’assemblée législative du Burkina Faso, estime que tout processus de refondation qui n’est pas basé sur le respect des lois et de la volonté populaire, est voué à l’échec : « Nous avons connu six présidents de 2014 à 2022. Aucun pays n’a connu une telle instabilité. Est-ce parce que nous n’avons pas une bonne constitution, de bonnes lois ? Le Burkina avait bel et bien une bonne constitution, de bonnes lois. Mais ces constitutions et lois n’étaient pas respectées, parce que les destinataires de ces textes ne s’y reconnaissent pas. Toute la difficulté réside dans comment élaborer des textes qui reflètent la volonté réelle de nos populations». Malam Boukary du parlement de la CEDEAO de renchérir : « Nous avons dit que nous ne voulons pas de la prise du pouvoir par les armes. Mais les hommes qui dirigeaient ces pays ont amené l’armée à intervenir sur la scène politique. Quand vous faites un, deux mandats, partez ! Les cimetières sont pleins d’hommes (qui se croyaient) indispensables. Pour preuve, notre ancien président Mahamadou Issoufou est bien portant, pourtant il n’a plus le pouvoir… Il nous a toujours dit ‘’aidez-moi’’ à partir».

Outre cette plénière ‘’spéciale’’, une autre planière est prévue à Mamou demain, mercredi 8 février.

Yacine Diallo