Loi Fondamentale ou Constitution pour désigner le texte qui est le fondement des lois qui régissent les rapports entre Guinéens, maintiennent leur cohésion et certifient leur appartenance à la même nation. La cogitation dont elle fait l’objet vaut bien son pesant d’or. Moult lois fondamentales jalonnent le court parcours de notre jeune nation vieille déjà quand-même d’une petite soixantaine d’années. Jusque-là, elle ne faisait l’objet de sanction populaire qu’a posteriori, à travers le vote référendaire, même si elle a toujours lourdement impacté l’heur et le malheur des citoyens.

Cette fois-ci, les CNtêtards de Toubib Dansa en ont décidé autrement et ont organisé un cénacle, sans Jésus, afin que le populo donne à la constitution, versus CNRD, son onction. Le Premier ministre s’en est donc allé ouvrir ce vaste espace de réflexion en présence d’un aéropage, haut en couleur, de tout acabit parmi lesquels émergent le Prési du CNT, Dansa, le Secrétaire général de l’Union internationale parlementaire. Excusez du peu ! Les grosses légumes se sont évertuées à clamer haut et fort la nécessité d’amarrer la constitution à nos us et coutumes, aux valeurs culturelles qui fondent notre nation, qui forment le socle de notre identité, notre ADN.

Si nos devanciers n’ont pu effectuer ce boulot en 1958 parce qu’ils n’en avaient eu ni le temps ni l’habitude, ni la technique, nombreux parmi nous ceux qui en ont à présent, l’expertise, le savoir-faire, la maîtrise. Le hiatus entre nos pratiques ancestrales et le droit positif importé dans l’attaché-case du colon, expliquent les couacs qui entravent le développement socioéconomique, le bon fonctionnement de la justice et favorise la mauvaise gouvernance. On convient donc de farfouiller dans les profondeurs abyssales des cultures nègres pour en ramener les substrats de nos lois pour les frapper du sceau du terroir et en faire une marque déposée destinée à enrichir le patrimoine juridique universel. Aussi, faut-il bien se garder de remonter en surface quelques laideurs affligeantes sur lesquelles peu de gens ne détourneraient pas les yeux. La polygamie, le mariage précoce, les mutilations génitales, la succession dynastique du pouvoir sont des sujets controversés sur lesquels les maux vont glisser et la plume se briser. Mais quels errements de nos constitutions exercent-ils l’impact le plus nocif sur l’individu et la collectivité ? L’effet de l’interprétation erronée de la loi à l’aune de la coutume par l’analphabète n’est-il pas moins dévastateur que celui du tripatouillage constitutionnel par ceux qui ameutent le populo à l’urne pour légitimer cette constitution ?

Que la nouvelle constitution soit davantage en parfaite harmonie avec nos us et coutume, les Guinéens s’en réjouiraient mais les problèmes de société de fond persisteraient. Le vrai mal des constitutions sous les tropiques est le tripatouillage. C’est pourquoi, tout en tendant de « personnaliser ce texte », il faut identifier les remparts les plus solides à sa perpétuelle instrumentalisation au gré des humeurs et des velléités des politicards sans loi, ni foi.

Les CNtêtards doivent donc agiter leurs méninges pour, à la fois, enraciner notre constitution dans nos valeurs ancestrales et baliser le chemin qui, à travers les buissons ténébreux, lui assurera une longévité enviable.

Abraham Doré