Les victimes des crimes commis le 28 septembre 2009 continuent de défiler à la barre, au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Ainsi, le passage de Mamadou Lamine Sall, Mamadou Chérif Barry, Ibrahima Diallo et Thierno Souleymane Baldé ont raconté leur calvaire ce 24 juillet.

Visiblement affaibli, une voix tremblante, Mamadou Chérif Barry, né en 1997, semble porter les séquelles de la balle qu’il a reçue au niveau de la cheville du pied gauche. Il aura passé plusieurs heures avant d’être transporté l’hôpital Donka par la Croix-Rouge. Pour cause de pillage de la pharmacie, il avait quitté l’hôpital. Il s’y est retourné des jours après, pour passer 3 mois 2 semaines d’hospitalisation. Très jeune à l’époque, Chérif dit qu’il avait suivi la foule pour se rendre au stade. Il ne connaissait pas le motif de la manifestation, appelée par les forces vives de la nation qui contestait l’éventuelle candidature du chef de la junte d’alors, Moussa Dadis Camara.

Ibrahima Diallo, 58 ans, affirme que le 28 septembre 2009, des gens sont venus garer un bus à Hamdallaye, avant d’appeler : « Venez, venez ! Dadis vous appelle au stade ! » Selon lui, ceux qui sont montés les premiers ont aperçu des couteaux (armes blanches), ils sont aussitôt descendus. Quelques temps après, il a suivi la foule, destination, le stade. Arrivé à la terrasse de Dixinn (en face du stade), il a trouvé le colonel Moussa Tiegboro Camara qui défendait, non sans menacer, les militants d’entrer au stade : « Si vous entrez, ce que vous cherchez, vous l’aurez trouvé. On va vous saccager », rapporte Ibrahima Diallo. Après cela, selon lui, il est entré avec la foule à l’intérieur du stade, où il y avait une ambiance bon-enfant. Mais de courte durée. Des tirs ont commencé. C’était la débandade, chacun cherchait à se sauver. « En cherchant à m’échapper, mon pied a cogné un mur, je me suis blessé à l’orteil. J’étais suspendu sur la cour, je suis tombé, j’ai eu un choc. Depuis ce jour, je ne me retrouve plus ». La victime affirme avoir vu de nombreux corps à la sortie du stade où il s’était caché pour échapper aux courroux des assaillants. Cela, après avoir escaladé la cour du stade. D’ailleurs, Ibrahima a exhibé une copie de l’hebdomadaire La Lance du Groupe de Lynx où il apparaît clairement près des corps, comme preuve. Ibrahima Diallo explique que tout a commencé lorsque les policiers ont tiré des bombes lacrymogènes, des bérets rouges ont tiré à balles réelles et des civiles avec des bandeaux rouges autour de la tête, couteaux en main, agressaient les manifestants.

L’avocat Thierno Souleymane, torturé

Suite aux massacres du 28 septembre 2009, Maître Thierno Souleymane Baldé a organisé une grève de la faim avec 10 autres personnes à la maison des jeunes de Dixinn-Bora. L’objectif, dit Maître Baldé, était de dénoncer les tueries et la chasse à l’homme organisées pendant cette période. Selon lui, les médias avaient largement relayé l’événement pendant toute la journée. Vers 20h, dit-il, des gendarmes dirigés par le Colonel Moussa Tiegboro Camara, sont allés casser la porte et les a traînés dans la boue, prendre certains par les pieds. Ils les ont embarqués à bord de leurs véhicules, comme des sacs de patates, pour les envoyer au camp Alpha Yaya Diallo, le siège de la junte du CNDD. « Tiegboro Camara est venu demander qui est le leader. J’ai dit : c’est moi. Il a dit : ‘’C’est une forme de terrorisme moderne. Mais, vous allez le regretter’’. Ils ont envoyé du pain et du corned-beef, pour nous obliger à manger. Après, ils ont commencé à nous bastonner, bastonner. Ils nous ont mis dans un conteneur. Ils m’ont interrogé de 21h à 2heures du matin, dans un bureau. Ils ont demandé qui nous finance ? Je leur ai dit que j’étais avocat, je pouvais prendre en charge la grève de la faim. Ils m’ont répondu que c’était faux, avec des gifles, des gifles. Chaque fois que je ne répondais pas ce qu’ils voulaient entendre, ils me giflaient. On m’injuriait, on m’a frappé pendant mon interrogatoire. Lorsqu’on m’interrogeait, j’entendais des cris de détresse à côté. Finalement, ils m’ont ramené dans le conteneur. Nous sommes restés jusqu’au matin, Koutoubou Sanoh, ancien Secrétaire général des Affaires religieuses, l’ancien ministre de la Santé, Colonel Abdoulaye Shérif Diaby, sont venus nous dire que c’est le président Moussa Dadis Camara qui les a envoyés pour nous libérer. D’arrêter la grève de la faim, on va trouver une solution… », a relaté Maître Baldé. Après leur libération, l’avocat affirme que lui et ses compagnons d’infortune ont été conduits à l’hôpital, puis dans un restaurant. 

Il jure qu’il ne pardonnera jamais au Colonel Moussa Tiegboro Camara, pour les traitements qu’il l’a fait subir. 

Le procès est renvoyé à demain mardi 25 juillet.

Mamadou Adama Diallo