Alors que le CGE (Centre gabonais des élections) venait de proclamer Ali Bongo (66 ans) réélu pour un troisième mandat avec 64,27 % des suffrages, l’armée gabonaise a annoncé dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 août avoir pris le pouvoir. Ce qui met ainsi fin à une dynastie de plus d’un demi-siècle.
L’alternance par les armes non obtenue dans les urnes continue de faire du chemin en Afrique. L’ouragan des coups d’Etat parti ces dernières années des côtes ouest-africaines gagne le centre du continent, à travers le putsch survenu tard la nuit du mardi à mercredi au Gabon. Ce petit pays d’Afrique centrale de moins de trois millions d’âmes était dirigé par le clan Bongo depuis presque 56 ans. Après son indépendance le 17 août 1960, Léon Mba, premier président, a dirigé le pays pendant sept ans. A sa mort en 1967, il fut remplacé par son directeur de cabinet, Omar Bongo Ondimba.
Depuis, le pouvoir était régenté par cette famille, jusqu’à ce 29 août lorsque des hommes en uniforme (militaires, policiers et gendarmes) du CTRI (Comité pour la transition et la restauration des institutions) ont annoncé le renversement du régime d’Ali Bongo Ondimba.
L’alternance par les armes
Ce dernier, au pouvoir depuis le 3 septembre 2009 était ministre de la Défense lorsque s’était éteint son père après 42 ans de règne. Ali voulait suivre les traces de son père, en briguant un troisième mandat. Et pourtant, fin 2018, un AVC l’a éloigné six mois durant du pouvoir et un coup d’Etat a été déjoué l’année d’après. Il était sorti de sa réclusion à l’approche des élections du 26 août et, pour rassurer de sa pleine forme, a battu campagne. Peu avant le putsch, le CGE (Centre gabonais des élections) avait donné Ali Bongo (66 ans) vainqueur du scrutin avec 64,27 % des suffrages, contre le candidat de l’opposition Albert Ondo Ossa. Ce dernier revendique la victoire.
Les élections se sont déroulées dans un étrange huis-clos, à l’abri des observateurs et médias internationaux privés d’accréditions et sans internet coupé, officiellement pour prévenir les habituelles violences post-électorales enregistrées aussi bien en 2009 qu’en 2016. Un couvre-feu de 19h à 6h avait également été instauré. Les putschs ont aussitôt rétabli l’internet.
« Au nom du peuple gabonais, nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place », a annoncé le CTRI dans un communiqué lu à la télévision publique du Gabon. « À cet effet, les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés. Les frontières sont fermées jusqu’à nouvel ordre », a-t-il renchéri. Selon toujours les putschistes, Ali Bongo est retenu en résidence surveillée. Son fils Nourredin Bongo-Valentin, perçu comme étant le numéro deux du régime et qui a été directeur de campagne de son père, aurait été arrêté en même temps que d’autres proches du pouvoir. Alors que la Première dame, Sylvia Bongo Valentin, serait retenue, selon Jeune Afrique, au Palais du bord de mer (siège de la présidence).
Le nouveau maître du pays
Comme en Guinée donc, le Gabon fait l’expérience de l’alternance par les armes, après l’échec des urnes. Soutenue par la France, tirant profit des richesses du pays dont la manne pétrolière, la famille Bongo avait réussi à s’enraciner, après plus d’un demi-siècle de règne sans partage. Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, Paris perd ainsi un allié traditionnel de taille. Un revers de plus, un revers de trop. Même si le nouvel homme fort de Libreville est un pur produit du régime, cousin d’Ali et, comme le clan Bongo, originaire du Haut-Ogooué.
Le général Brice Clotaire Oligui Nguema, porté en triomphe par la troupe et désigné « à l’unanimité » président du Comité pour la transition et la restauration des institutions, selon le porte-parole de la junte, commandait jusque-là la garde républicaine. Il a dirigé les services de renseignements du pays et fut aide de camp de Bongo père. Mais après le décès en 2009 de ce dernier, Brice Clotaire Oligui Nguema est tombé en disgrâce.
Pour l’éloigner du pouvoir, il fut nommé attaché militaire de l’ambassade du Gabon au Maroc puis au Sénégal, avant d’être rappelé en 2019. Il en a profité pour se rapprocher d’Ali Bongo et surtout du trône. Comme à Niamey donc, c’est une révolution de palais que vient de vivre Libreville.
La fin de la dynastie Bongo, l’épilogue du système Ondimba ? L’avenir le dira. En attendant, le président semble isolé du monde. « Je veux envoyer un message à tous nos amis, partout dans le monde, pour leur dire de faire du bruit. De faire du bruit, car les gens d’ici nous ont arrêtés, moi et ma famille. Mon fils est quelque part, ma femme est ailleurs et je suis à la résidence. (…) Je ne sais pas ce qui se passe. Je vous appelle donc à faire du bruit. Faites du bruit, vraiment, je vous en remercie. » Pas sûr que le bruit des condamnations de principe de Paris, Pékin, Washington ou d’ Addis-Abeba (siège de l’UA) suffira à ramener au pouvoir celui qui passe pour le dernier des Mohicans des Bongo.
Diawo Labboyah