A l’occasion de sa plénière de ce mardi 26 septembre portant sur l’examen du volet dépenses de la Loi de finance rectificative 2023, les conseillers nationaux du CNT (Conseil national de la transition) ont formulé de fortes recommandations à l’endroit du goubernement.

A la suite des débats, le CNT a réévalué les dépenses de l’État pour 2023 à 37 249 milliards GNF contre une prévision initiale de 36 106 milliards GNF, soit une augmentation de 1 142 milliards de francs glissants (3,16%). Le CNT déplore le fait que des bâtiments abritant certains services publics coutent très cher à l’Etat. C’est le cas de la Cour des Comptes et la Cour Suprême dont la location couterait au moins 21 milliards GNF par an, pour un même bâtiment. A la suite des interrogations soulevées et des réponses du gouvernement, le CNT a relevé ces constats :

  1. Les charges de location des bâtiments abritant certains services publics absorbent d’importantes ressources financières. A titre d’illustration, la Cour des Comptes paye 823 443 598 GNF et la Cour Suprême (ex Cour constitutionnelle) 916 666 666 GNF par mois soit près de 21 Mds par an, pour un même bâtiment. Pour corriger cette importante saignée financière, le CNT recommande la construction de locaux pour ces services. En attendant cette construction, il invite le Gouvernement à renégocier à la baisse ces contrats de location.
  2.  Attaché au principe de la redistribution équitable des ressources du pays et vu le caractère impératif d’appuyer le développement au niveau local, les Conseillers nationaux se sont interrogés sur la non-rétrocession des ressources affectées à l’ANAFIC destinées au financement des infrastructures des collectivités locales. A titre d’exemple, sur 268,836 Mds encaissés à date par le trésor public au compte du Fonds de Développement des Communes de Conakry (FODECCON), aucun franc n’a été rétrocédé à l’ANAFIC. Pour ce qui est du Fonds National de Développement Local (FNDL), sur 346,927 Mds encaissés, seulement 100 Mds ont été rétrocédés. La rétrocession de 100 Mds sur un montant global de 615, 763 Mds soit 16,24% préoccupe le CNT qui invite par conséquent le Gouvernement à apurer ce passif d’ici la LFI 2024.
  3. Au regard des investissements importants déjà réalisés à l’hôpital Donka, le CNT constate les faits suivants :

– la subvention dédiée à cet établissement hospitalier n’a pas été payée ;

– la contrepartie guinéenne conformément aux clauses contractuelles qui lient l’État Guinéen à la société Netsen Group Inc n’a pas été aussi payée ;

– Le transfert d’une partie des services dans les nouveaux locaux n’est pas non plus effectif en raison du non achèvement des travaux et la non mise en service des équipements.

Par conséquent, le CNT recommande au Gouvernement de prendre toutes les dispositions utiles pour le paiement effectif de la subvention et de la contrepartie guinéenne en vue de rendre l’hôpital Donka plus opérationnel.

  • Le CNT s’est aussi intéressé au respect du contenu de la lettre de cadrage du Premier ministre. Il ressort de ses analyses que l’allocation de 20% du fonctionnement des départements ministériels aux services déconcentrés allant dans le sens de la déconcentration budgétaire n’est pas à date totalement effective. Le CNT rappelle que cette mesure avait emporté l’adhésion totale de tous les Conseillers nationaux et invite le Gouvernement à son application et à sa pérennisation.
  •  La non indemnisation des personnes impactées par les projets d’infrastructure dans les délais contractuels est l’une des raisons du retard dans leur exécution. Cette situation récurrente préoccupe le CNT.

Par conséquent, il invite le Gouvernement à prendre toutes les dispositions utiles pour :

– accélérer les procédures administratives et financières ;

– procéder à une évaluation juste des indemnités ;

– rendre transparent l’ensemble du processus d’indemnisation ;

  • L’examen du projet de LFR a révélé un faible niveau d’exécution de la dette intérieure. En effet, malgré la liquidation à date de 722 Mds sur 1000 Mds prévus en LFI 2023 par la Direction Nationale de la Dette, le trésor n’a pu effectivement payer que 355 Mds. De surcroit, le projet de budget soumis à notre appréciation projetait une diminution des 1000 Mds de la LFI de 500 Mds.

Vu le caractère exigible de cette dépense et son utilité pour l’économie nationale, le CNT, après avis favorable du Ministère du Budget, a rehaussé sa prévision de 500 Mds et invite le gouvernement à procéder à son apurement total.

  • Conscient du sous-effectif du secteur de la santé et de l’éducation et vu l’importance de ces services, le CNT invite le Gouvernement à prévoir dans la LFI 2024 une provision suffisante pour le recrutement des agents dans ces secteurs. Par ailleurs et en commun accord avec le Ministère du Budget, une provision de 80 Mds a été constituée dans ce projet de LFR 2023 en vue de procéder au paiement des arriérés des enseignants contractuels dans la perspective de la rentrée scolaire 2023-2024.
  • Vu l’importance de la mission assignée à la Caisse nationale de prévoyance sociale et la demande sociale qui est de plus en plus forte, le CNT en accord avec le Ministère du Budget a revu à la hausse de 4 Mds son allocation initiale.
  • Malgré le décaissement de plus de 5,9 Mds pour la construction du Centre national orthopédique de Donka, le niveau d’exécution des travaux reste très faible. Le CNT invite le Gouvernement à diligenter un audit sur ledit chantier d’une part et sa commission en charge de la santé à initier une mission d’information parlementaire d’autre part à cet effet.
  • Dans le cadre des projets de construction des ambassades et d’acquisition de chancelleries, résidences et consulats, le CNT recommande au Gouvernement de poursuivre les travaux de construction et de rénovation dont les contrats sont déjà signés.
  • Conscient des difficultés rencontrées par les populations de Conakry et certaines villes de l’intérieur et vu les capacités limitées de la Société des Eaux de Guinée (SEG) en termes de fourniture d’eau potable, le CNT invite le Gouvernement à envisager un processus d’accompagnement de la SEG malgré son statut de société publique pour lui permettre de refaire ses installations devenues obsolètes pour satisfaire aux demandes de plus en plus croissantes.
  •  Du rapport des missions de concertation des Conseillers nationaux à l’intérieur du pays, la question des infrastructures inachevées des fêtes tournantes a été relevée en plusieurs endroits. Partant du principe de la continuité des services publics et vu le rôle très important desdites infrastructures, le CNT invite le Gouvernement à prendre en compte l’achèvement desdites infrastructures.
  •  Les dépenses prévues en LFI 2023 pour les routes préfectorales n’ont connu aucun décaissement à date. Or, elles sont indispensables au développement socio-économique du pays et, comme indiqué dans le rapport du débat d’orientation budgétaire 2024-2026, le CNT invite le Gouvernement à renforcer et à accélérer la construction des routes préfectorales, surtout dans les zones à fort potentiel agricole et dans les localités où la question de désenclavement se pose avec acuité.
  • Lors des travaux en commission et inter commission, il est apparu que les préfets et sous-préfets ne perçoivent que respectivement 250 000 GNF et 75 000 GNF par mois comme prime de fonctionnement. Ce montant dérisoire n’est pas à la hauteur de la responsabilité qu’ils incarnent et ne les met pas non plus à l’abri du besoin. D’ailleurs, vu leur nombre très limité, la revue à la hausse de cette prime est d’autant plus marginale qu’elle ne saurait être une lourde charge pour le budget national.

Par conséquent, le CNT invite le Gouvernement à améliorer considérablement le niveau de cette prime.

  1. Le CNT s’est interrogé sur l’ancrage institutionnel de l’ANIES qui est aujourd’hui rattachée à la Présidence. La mission principale dévolue à l’ANIES étant d’assurer une meilleure redistribution des fruits de la croissance économique au profit des populations guinéennes les plus pauvres et vulnérables ainsi que celles victimes d’exclusion et vu le rôle de protection sociale et d’inclusion économique du Ministère de la promotion féminine, de l’enfance et des personnes vulnérables, le CNT pense que, pour éviter la dispersion des efforts financiers de l’État dans ce domaine et par souci d’efficacité et d’efficience dans la course aux résultats, qu’il faudrait un ancrage institutionnel de la première au second.
  2.  La loi sur la statistique confère à l’Institut National de la Statistique, la production, la diffusion et la certification des données statistiques. Cependant, le CNT a constaté que certaines données statistiques sont produites et diffusées sur le territoire national et à l’international sans le moindre contrôle de la méthodologie et de la fiabilité de ces données par l’organisme habilité. Il invite donc le Gouvernement à contraindre les acteurs à la certification en amont desdites données par l’INS avant toute diffusion.
  3.  Il ressort de l’examen du projet de LFR que seulement 4,83% du budget global est alloué au secteur de la santé très loin de la moyenne sous régionale (12%) et celle de l’OMS (15%). En raison des enjeux liés à la santé, le CNT invite le Gouvernement à améliorer conséquemment la dotation dudit secteur dans la LFI 2024.
  4.  Le Secrétariat Général aux Affaires Religieuses (SGAR) ne dispose presque pas de services déconcentrés. Le CNT invite le Gouvernement à les créer et à leur allouer des crédits nécessaires pour leur fonctionnement.
  5.  La question relative à la procédure de passation des marchés a été soulevée par tous les Ministères reçus lors des travaux d’examen du projet de LFR. Le CNT réitère au Ministre en charge des finances sa recommandation relative à l’optimisation de la procédure de passation des marchés publics à travers une réduction des délais de passation, la revue à la hausse des seuils, la formation des PRMP et la digitalisation du processus.
  6. A l’État actuel l’industrie cinématographique en Guinée par manque de mécanisme de financement adéquat souffre de création, de production et de diffusion. Vu l’importance de ce secteur en termes de création d’emploi et de création de richesse pour le pays, le CNT recommande le soutien de ce secteur.
  7.  Le CNT attire l’attention du Gouvernement sur le très faible taux d’exécution du fonds d’études de l’ACGP. Seulement 16,90 Mds sur 230, 41 Mds ont été exécutés à date soit 7,33%.

La loi L/2018/027/AN fixant les règles de gouvernance des projets publics fait de l’ACGP le maître d’œuvre public donc actrice principale du suivi des 44 projets prioritaires de la Présidence de la République. En application de cette disposition et de la nécessité de réalisation de ces projets, le CNT invite le Gouvernement à améliorer le niveau d’exécution des dépenses de l’ACGP en termes d’études, en les priorisant sur la chaine des dépenses.

Par ailleurs, le CNT rappelle que les études des projets de taille moyenne ou en dessous du seuil recommandé peuvent être confiées aux services sectoriels compétents pour une économie de ressources et une rapidité du processus.

  •  Le CNT constate que malgré ses recommandations incessantes, le taux d’exécution des dépenses d’investissement évalué à 23,8% à fin Juin 2023 demeure encore très faible. Les raisons multiples et variées de ce faible taux méritent une attention particulière de l’exécutif au vu du caractère très important desdites dépenses qui représentent 40,25% du budget global.

Sachant que l’ACGP joue un rôle important dans le cadre de la réalisation des infrastructures publiques, il apparait un dysfonctionnement relatif au fait que la Direction Générale du Trésor sollicite de l’ACGP une certification du service fait or conformément à l’article 17 du Règlement Général sur la Gestion Budgétaire et la Comptabilité Publique (RGGBCP), les dépenses sont engagées, liquidées et ordonnancées avant d’être payées. Il est à préciser que les acteurs devant intervenir lors des deux phases (administrative et comptable) sont clairement définis dans le manuel de procédure de la dépense publique en lien avec la LORF et le RGGBCP.

Ainsi, dans la phase administrative, les acteurs sont les ordonnateurs et les contrôleurs financiers placés auprès d’eux et pour la phase comptable les acteurs sont exclusivement les comptables publics. Cependant, dans la pratique actuelle, l’ACGP intervient dans la phase comptable, ce qui est contraire à la loi.

C’est pourquoi, l’intervention de l’ACGP après la mise en règlement par un comptable public n’est pas nécessaire pour une dépense régulièrement liquidée. D’ailleurs, son avis n’est pas une pièce justificative de la dépense sachant que ces pièces sont définies dans un arrêté du Ministre de l’Économie et des Finances. Cette consultation de l’ACGP dans une phase comptable est l’une des causes principales du retard des paiements des décomptes déjà liquidés, donc des dépenses d’investissement. Le CNT invite donc le Gouvernement à en prendre acte.

Par ailleurs, s’agissant de l’intervention effective de l’ACGP dans la phase administrative, le CNT invite le Gouvernement à :

  • Mettre en place un mécanisme permettant à l’ACGP de disposer facilement des budgets de missions de contrôles et de supervision des projets logés chez les Maitre d’Ouvrages ; cela peut se faire par le biais de la transmission d’une réserve au titre de la mission de contrôle d’une condition suspensive à la signature des contrats des travaux des Maitres d’Ouvrage ;
  • Donner à l’ACGP la possibilité́ d’arrêter ou de faire arrêter tout chantier public n’ayant pas de mission de contrôle et de supervision et/ou ne justifiant pas d’études techniques validées par elle ;
  • Mettre en place un mécanisme de réduction des délais de passation des marchés publics.
  • Rendre concomitant l’approbation des contrats de travaux et ceux des missions de contrôle et de supervision desdits travaux par le Ministre de l’Économie et des Finances
  •  Le Ministère du Plan et de la Coopération Internationale ayant la charge de l’élaboration et du suivi de la mise en œuvre du Programme de Référence Intérimaire (PRI), le programme d’Investissement Public (PIP) élaboré par le ministère de l’Économie et des finances est le principal instrument de sa mise en œuvre. Toutefois, le CNT a constaté qu’il n’existe pour le moment aucun mécanisme pour valider la cohérence du PIP au PRI et recommande par conséquent, de confier au Ministère du Plan et de la Coopération Internationale la certification de la conformité ou de l’alignement suffisant des deux.
  •  Le ministère de la Sécurité étant confronté à de nombreux défis liés au cas d’évacuation de ses malades et la prise en charge médicale des cas de blessés graves lors des opérations de maintien d’ordre, Un fonds social a été mis en place par le département mais qui, jusque-là, tarde à être opérationnel par faute d’allocation budgétaire. Le CNT recommande l’allocation de ressources pour l’opérationnalisation dudit fonds en LFI 2024.
  •  Il apparait que les allocations budgétaires des Cours et Tribunaux notamment ceux de l’intérieur du pays sont envoyées en délégation de crédits aux Gouvernorats. Le CNT réitère sa recommandation à doter à temps les Cours et Tribunaux de leur budget de fonctionnement pour favoriser l’organisation des audiences afin d’évacuer les dossiers en instance de jugement.
  •  Au regard des nombreux projets de construction de bâtiments administratifs des services déconcentrés à coût de plusieurs milliards, le CNT recommande au Gouvernement d’envisager des projets intégrés à travers la construction de cités administratives à cet effet. Cela permettrait d’améliorer le niveau des dépenses publiques et d’éviter les disparités entre les différents services concernés.
  •  Dans le cadre de la relance de l’Agence Nationale de volontariat Jeune et vu les objectifs qui lui sont assignés, le CNT après l’avis favorable du Ministère du Budget a revu sa dotation à la hausse d’un Milliard de GNF.
  •  Vu le rôle dévolu au Haut Conseil des Guinéens de l’Etranger (HCGE), le CNT invite le gouvernement à envisager en sa faveur un mécanisme d’accompagnement budgétaire.
  •  Vu la prolifération des constructions de forage, le CNT invite le gouvernement à doter L’Office National des Géo-services de moyens suffisants afin qu’il joue son rôle de sécurisation des infrastructures et de contrôle de gestion de la nappe phréatique.