Ceux qui aiment zyeuter tout ce qui va et vient racontent avoir aperçu, ces temps-ci dans les rues, voire dans les bureaux, ceux qui gèrent notre administration territoriale. Les Gouverneurs, Préfets et Sous-préfets accompagnés parfois de leurs sous-fifres sont venus se familiariser avec les rudiments du droit administratif et du management des relations humaines. Comme ils sont les représentants du Prési de la Roue-publique les plus proches du populo, ils devraient tout faire pour être excellents dans tout ce qu’ils font, en public et en privé. Une telle exigence d’exemplarité fait de leur fonction un véritable sacerdoce et non une simple et dédaignable sinécure. Napoléon Bonaparte l’a tôt compris, lui qui en a fait un corps à part auquel il a dédié une école spéciale, l’École nationale d’administration (ENA). Cette école à fait tache d’huile à travers le monde. La France coloniale organise son administration d’Outre-mer sur ce modèle que miment, avec bonheur, les États francophones postcoloniaux.
Fidèle à son choix du 28 septembre 1958, seule la Guinée ne s’inscrit pas dans la logique de la constitution d’un corps d’administrateurs territoriaux. Les exigences de la révolution et du Parti-État finissent par légitimer cette option. Les Gouverneurs et les Commandants d’arrondissement, administrateurs territoriaux sont quasiment interchangeables avec les Secrétaires fédéraux et les Secrétaires généraux des Comités directeurs, cadres politiques. Les critères de nomination des cadres de l’administration territoriale reposent davantage sur leur engagement politique que sur leur compétence professionnelle (connaissance du droit administratif, maîtrise des arcanes de l’administration, etc.)
Dès lors, on prend la vilaine habitude de croire que n’importe qui peut faire n’importe quoi. Un Géologue, un Géographe, un Mathématicien, un Chimiste, un Médecin peuvent devenir Gouverneurs ou Commandants d’Arrondissements, qu’importe si la fonction en pâtit et le prestige du fonctionnaire en pâlit. Gouvernants et gouvernés finissent par ne même plus s’apercevoir que l’efficacité professionnelle résulte de l’existence de corps de métier, regroupent des hommes et des femmes dotés de la même formation et soumis à la même déontologie. Ainsi, on distingue les professions d’avocat, de médecin, d’enseignant. Alors pourquoi faire fi de celle des administrateurs territoriaux appelés sous d’autres cieux administrateurs civils et continuer à en faire quelque chose de bric et de broc, un fourre-tout ? Des femmes et des hommes de toutes les professions et de tous les grades s’y côtoient. Médecins et infirmiers, professeurs d’université et moniteurs d’écoles primaires et enfin ingénieurs et ouvriers s’y moulent.
Dans ce méli-mélo, il n’est pas rare que des fonctionnaires compétents et expérimentés soient les souffre-douleurs de médiocres quidams. Dans ces conditions, les résultats attendus des uns et des autres peuvent toujours attendre ! On est encore loin, bien loin de la GAR (Gestion axée sur les résultats). Pour nous en approcher, il nous faut absolument aider nos administrateurs territoriaux, à travers des séminaires/ateliers tels que celui qui vient de se tenir à Cona-cris, à s’approprier quelques concepts clés du droit administratif en général et de l’administration guinéenne en particulier. Cela permettra, en attendant de formaliser une administration territoriale aux normes et standards internationaux.
D’ici l’à, on vivra, par moments, des situations ubuesques dont le plus bel exemple a été l’irruption d’un Préfet dans une salle d’examen pour raser un candidat dont la tignasse l’agaçait. Ce soldat Préfet n’aurait pas agi ainsi s’il savait le b.a.-ba du métier. D’ailleurs, les rues-meurent et les langues fourchues l’ont aperçu, dans une caserne.
Abraham Kayoko Doré