Comme beaucoup d’autres économistes, j’ai eu la chance d’être saisi à plusieurs reprises par des nombreux amis pour donner mon avis sur l’article paru sur un site d’information guinéen sur l’invitation de la junte aux banques commerciales pour une levée de fonds évaluée à 5 000 milliards de francs guinéens.  

Beaucoup de nos compatriotes à l’image du média qui a eu la primaire de l’info ont pensé à leur for intérieur que ceci est un réquisitoire acerbe infligé au système bancaire. Ceci s’explique probablement par l’utilisation du terme « réquisitionné ». Ce qui a occasionné un tollé sur Facebook à tel point que la plupart des gens ont estimé que l’Etat veut s’en prendre au système bancaire pour faire face à ses problèmes de trésorerie.

Suivant notre lecture de la situation, nous pensons à notre for intérieur que l’Etat est confronté à un manque de ressources, mais pas de façon criarde comme beaucoup d’entre nous le pensent. Par ailleurs, le fait de recourir au système bancaire à chaque fois que besoin se présente est un processus purement et simplement légal.

A titre de rappel, l’Etat recourt régulièrement à l’émission des bons de trésor ou obligations de trésor pour faire face à des projets de grande envergure. Dans le cas présent, vu l’urgence, l’Etat guinéen a été très intelligent, car il veut utiliser les réserves obligatoires que les banques commerciales constituent auprès de la Banque centrale dont la proportion de leurs dépôts ou de leurs crédits est de 13% contre 15% avant le 22 septembre 2023, pour financer la première tranche de 2 000 milliards de francs guinéens sur une durée de 4 ans, avec un rendement de 9% net d’impôts.

Pour la petite histoire, les réserves obligatoires sont des avoirs liquides constituées de monnaie centrale (donc en GNF) que les banques doivent conserver en proportion de leurs dépôts ou de leurs crédits comme indiqué ci-dessus.

La politique des réserves obligatoires consiste alors à modifier le taux de réserves obligatoires afin d’agir sur la liquidité des banques et les conditions de financement de l’économie.

A l’origine, les réserves obligatoires ont été instituées dans le souci de protéger les épargnants et de permettre aux banques de faire face aux retraits de billets durant les périodes de panique financière. La politique des réserves obligatoires est devenue progressivement un instrument de politique monétaire.

Ainsi, une baisse des taux de réserves obligatoires améliore la liquidité des banques et augmente leur capacité de prêt comme chez le cas actuellement. A l’inverse, une augmentation du taux des réserves obligatoires « stérilise » une partie des liquidités des banques et diminue leur capacité de prêts.

En République de Guinée, cet instrument fait l’objet d’un contrôle périodique qui consiste à examiner sur la base des bilans des banques durant une période de 15 jours, le niveau moyen des dépôts et de comparer ce niveau avec le solde des banques à la BCRG dans le but de déterminer une insuffisance éventuelle des réserves. Afin de ramener les établissements bancaires à se conformer à ce principe, il est prévu le paiement d’intérêts moratoires qui sont calculés sur la base du taux minimum de réserves obligatoires. La pénalité est fixée à ce taux majoré de 8 points de pourcentage et appliquée au manquement constaté.

Revenant sur le sujet, l’Etat voulant coûte que coûte financer d’urgence son projet, a mis en place un dispositif phare pour attirer les banques vers ce projet. Pour preuve, une banque qui n’aurait pas de ressources suffisantes placée sous forme de réserves obligatoires pourrait emprunter auprès de la BCRG à hauteur de 7%, à travers une ligne de financement mise en place pour la circonstance et obtenir ainsi une marge de 2% payable semestriellement pour la première tranche.

Concernant la deuxième tranche de 3 mille milliards de francs guinéens, par souscription libre pour une durée de 5 ans, le rendement est de 13% net d’impôts. Le même principe s’applique pour celles (les banques commerciales) qui ne disposeraient pas assez de ressources suffisantes pour une petite marge qui tourne autour de 1,5% du montant souscrit.

A notre humble avis, ceci est plutôt une excellente opportunité à saisir pour les banques et non une menace, car le fait de prêter de l’argent à l’Etat est moins risqué. L’Etat a toujours été un meilleur payeur et a toujours honoré ses engagements sur ce plan-là auprès des Institutions financières de la place. Nous pensons plutôt que c’est le caractère urgent qui pose un problème auprès de certains observateurs qui ont apprécié le sujet à leur guise.

Par ailleurs, l’Etat devra également noter que les financements récurrents de ce genre de projets surtout de façon urgente entraînera forcément un effet d’éviction des autres secteurs de l’économie qui aura des lourdes conséquences sur le mode de fonctionnement de l’économie dans le futur.

Enfin, nous pensons que l’on doit mettre un accent particulier sur les sujets juridiques, politiques, sociologiques et économiques dans la formation de nos journalistes, comme le font les grands pays. Cela nous économisera certains débats qui n’en valent pas trop la peine.   

Par Safayiou DIALLO

Économiste