A Dubaï, aux Emirats Arabe Unis, pays de cocagne du Golf, se sont retrouvés du 30 novembre au 13 décembre 2023, les grosses huiles et leurs ouailles de 198 pays de la planète pour ergoter sur ce qu’il est convenu de considérer désormais comme la pire menace du siècle : le réchauffement de la terre. Ce grand cénacle qui se tient depuis quelques années çà et là dans le monde, vise à « remettre le monde sur la bonne voie pour maintenir le réchauffement de la planète en deçà de 1,5°c ». On est à la Cop28 dont la présidence a été confiée, la main sur le palpitant, au magnat émirati, le Sultan Al–Jaber. En dépit de sérieuses réticences. La coutume en ce haut lieu de rhétoriques fumeuses où la forme écrase le sens, le futile masque l’utile, les débats ont été âpres, acharnés, voire houleux. Ils ont opposé plusieurs groupes d’interêt qui ont défendu, becs et ongles, leurs bas de laine. Là-bas aussi comme dans notre bled, les gens ont leur « fôn N’fakha » auxquels ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.
La première monture de l’accord final de la Cop28 est passée de vie à trépas dans ces querelles de clocher, ces mesquineries. L’enjeu majeur de la guéguerre est le destin prédit aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), principales responsables des émissions de gaz à effet de serre. La sortie de ces énergies est envisagée, sans mention d’une quelconque transition. Ceux dont l’épaisseur du portefeuille dépend de ces énergies sont vent debout. Ce sont les opulents pays producteurs de pétrole et de gaz du Golf mais aussi tous ceux qui ont bâti et continuent de bâtir leurs économies sur l’or noir, en Amérique du sud, en Afrique. Ne se feront-ils pas harakiri en cautionnant la sortie des énergies fossiles à l’horizon 2030 ? L’échec guette la Cop28. Chacun revoie sa copie dans la perspective d’un compromis que le Sultan et ses scribouillards ont tôt fait de trouver. Alléluia !
Concomitamment, un débat d’un autre genre oppose pays riches et pays pauvres relativement à la préservation des ressources naturelles, en particulier les bassins forestiers. Jugées très faibles leurs émissions de gaz à effet de serre, ces pays persiflent les injonctions contre l’exploitation de leurs essences forestières pour soutenir leurs économies et accélérer leur émergence. Enfin ces pays, en victimes expiatoires du dérèglement climatique, exigent des pays polouilleurs, ogres des énergies fossiles, des compensations à la hauteur des préjudices subis. Dès lors, même Toto pige les difficultés rencontrées par les scribouillards pour rédiger l’accord qui sanctionne pareille grand-messe.
Le Sultan Al-Jaber est parvenu à sauver, pour l’essentiel, la Cop28 de Dubaï par un génial tour de passe-passe, prouvant ainsi son talent de négociant. Dans le texte qui a suscité l’ire des ogres des énergies fossiles, il a fait un nouveau mélange d’ingrédients. A « la sortie des énergies fossiles », on substitue celle de «la transition hors des énergies fossiles ». En réalité, Al-Jaber propose un texte de compromis appelant à abandonner progressivement les combustibles fossiles, afin d’éviter les pires conséquences du changement climatique. Le Sultan Emirati s’est tiré d’un dilemme, à bons comptes. Patron de grands groupes pétroliers, il ne pouvait pas ne pas prendre le parti des énergies fossiles.
Mais sa posture de Président de la Cop28 le gênait aux entournures. Il a donc dû jubiler pour lui-même et les perspectives du climat et de la planète.
Abraham Kayoko Doré