Le 18 décembre 2023, Conakry s’est réveillé avec l’incendie du principal dépôt de carburant du pays. Cent jours après, les citoyens impactés n’ont toujours pas obtenu des indemnisations de l’État. Bonjour les difficultés !
À minuit ce 18 décembre 2023, Oumar Yansané dormait quand son plafond s’est effondré sur lui. Il se réveille brusquement. Chef de famille, il sonne l’alerte. Il demande à tous de quitter le quartier, même la commune : « Où aller ? Je leur ai répondu d’aller au Palais du Peuple en attendant », explique-t-il.
« Le riz, ce n’est pas ce qui m’inquiète… »
L’évènement a bouleversé le quotidien des Yansané, une Une habitation de plus de 30 personnes partie en fumée. Dans sa grande maison de Coronthie 1, les traces sont encore visibles : murs fissurés à terre, par endroit, plafonds sérieusement troués par endroit : « Les autorités nous ont promis de l’aide dès la première visite. Elles avaient même promis de reconstruire les maisons dévorées par les flammes, mais pour quand ? » s’interroge Oumar Yansané.
Cent jours après l’incendie, « À part 10 sacs de riz, un bidon d’huile et quelques kilogrammes de sucre, les autorités restent indifférentes à nos difficultés. Pourtant, le riz, ce n’est pas ce qui m’inquiète, mais bien la rénovation de nos maisons » renchérit M’Mah Yansané, la mère de famille. Vu le manque d’espace, elle explique qu’une partie des siens a été envoyée en banlieue, principalement des enfants et femmes : « Pour l’instant, ceux-là dorment sous un toit, mais les enfants n’arrivent plus à se rendre à l’école, de la banlieue à Kaloum, le transport est cher. Actuellement, ce qui nous inquiète le plus, c’est comment manger et se loger. »
Coronthie 1, le secteur le plus touché
Pour se loger justement, le fils de M’Mah Yansané, Oumar Yansané veut prendre le taureau par les cornes. L’électricien a entamé sans beaucoup de moyens des travaux pour reconstruire sa maison familiale avant l’arrivée de la saison pluvieuse : « Après 115 jours maintenant, je ne peux plus les attendre. Nous qui sommes restés, on passe la nuit dans la ruelle, à la belle étoile. Je suis en train de me démerder avec le peu de moyens qui me reste pour que la pluie ne me trouve pas dans cet état. Rien que ce matin, j’ai acheté des briques et du ciment à 18 millions GNF » explique Yansané.
Coronthie 1, appelé secteur Momo Camara, est située dans les 500 mètres du principal dépôt de carburant. Comme la maison des Yansané, beaucoup de familles ont été touchées par l’incendie : « Nous sommes près de 2600 ménages impactés à Coronthie 1, Coronthie 2 et Tombo. Mais le secteur 1 est la zone la plus sévèrement touchée. Elle comprend une vingtaine de carrées à reconstruire et tout le reste a besoin de tôles et de plafond », selon Mamadou Cifo Kétouré, président du Comité des Sinistrés des hydrocarbures de Coronthie.
L’urgence
Le jeudi 28 mars, les sinistrés ont battu le pavé pour attirer l’attention des autorités sur leurs situations. Une manifestation tuée dans l’œuf. Policiers et gendarmes ont encerclé le secteur, selon Aboubacar Keita, un jeune du quartier qui avait encore les douilles en main des gaz lacrymogènes dont la date de péremptions remonte à 2019. « Ils étaient au courant de notre manifestation, tôt le matin, la police nous a encerclés. Elle a commencé à tirer des gaz lacrymogènes et a même arrêté trois de nos femmes qui sont jugées et condamnées à trois mois de prison avec sursis. Par ailleurs, les agents qui étaient là ont violé nos domiciles. »
Après un mois de jeûne très difficile, martèle M’Mah Keita, il est temps que l’Etat les prenne en charge. Selon le président des sinistrés, Mamadou Cifo Kétouré, les sinistrés se sentent comme les oubliés de la République : « Maintenant, nous demandons aux personnes de bonne volonté d’aider directement Coronthie 1. Nous demandons d’être indemnisés, non d’être relogés à Sonfonia- Marine ou Ansoumania- Village ou ailleurs ». Et de révéler qu’ils ont engagé des procédures judiciaires contre l’Etat pour obtenir des indemnisations.
Diarouga Aziz Ɓalde