Dans son communiqué du 24 mai, le gouvernement dit qu’il travaille « à restaurer l’ordre constitutionnel, et non à établir une ‘’démocratie médiatique.’’ » Le document est signé du ministre porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, en réaction au retrait des agréments et fréquences aux Groupes de médias : Hadafo, Djoma et Fréquence. Dans une publication sur sa page Facebook, l’ancien Bâtonnier, Me Mohamed Traoré, a dû mettre les points sur les i, en indiquant aux autorités de la transition, c’est quoi « une démocratie médiatique ». C’est plutôt édifiant.
« Le retour à l’ordre constitutionnel signifie très clairement qu’il faut préserver aussi les acquis en termes d’État de droit et de démocratie. La liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté d’opinion, la liberté de manifestation, la liberté d’association et le libre exercice par les partis politiques de leurs activités font partie des acquis à préserver à tout prix.
Il n’y a pas de démocratie sans médias libres. La liberté des médias ne se limite pas à leur reconnaissance administrative à travers un agrément qui n’est qu’une simple feuille de papier, et leur existence effective sur le terrain.
La liberté des médias se mesure surtout au droit qu’ils ont de critiquer objectivement y compris les pouvoirs publics, de dénoncer en particulier la mauvaise gouvernance, sans entrave et sans crainte de représailles.
L’un des mérites des pouvoirs publics réside dans leur capacité à supporter les critiques objectives émanant des médias et à prendre les mesures adéquates en cas de dénonciations basées sur des faits tangibles. Le Général Lansana Conté ne disait-il pas « Je n’ai pas peur des critiques » ?
Le rôle de la presse n’est pas seulement de parler du train qui arrive à l’heure. Elle doit pouvoir parler également du train qui n’arrive pas à l’heure. Sinon, elle n’a pas sa raison d’être.
Quelle est cette société où l’on préfère s’en prendre au dénonciateur au lieu de vérifier et de lutter contre le fait dénoncé ?
La seule crainte que les médias doivent avoir, c’est celle de subir les sanctions prévues par la loi lorsqu’ils commettent des fautes avérées, des fautes objectives. Les sanctions contre des fautes qui n’existent que dans l’imagination ou qui dépendent des humeurs du « Prince » sont par définition arbitraires.
Dans le processus de construction d’un État de droit, d’une véritable démocratie et d’une conscience citoyenne, quel est l’apport d’une radio ou d’une télé dont l’essentiel ou l’ensemble des programmes est consacré à des banalités ? Est-ce ce genre de médias que l’on veut pour notre pays ? »
Du droit du citoyen à l’information
« L’information est un bien public. Et ce bien public est indispensable au bon fonctionnement de nos démocraties. Le mot indispensable pourrait sembler excessif, mais il ne l’est pas, bien au contraire. On définit souvent trop rapidement la démocratie par une formule lapidaire, ‘’un homme, une voix’’. Mais la démocratie c’est plus que cela ; la démocratie c’est ‘’un homme informé, une voix’’. Sinon elle n’est que de façade » dit Julia Cagé à propos du lien entre médias et démocratie.
Parlant de la liberté de la presse dans une démocratie, des auteurs affirment : « La liberté de la presse, et par extension celle de l’ensemble des médias, est constitutive de la démocratie. Elle est gage de pluralisme en faisant vivre une multitude de courants de pensée et d’opinion tout en offrant un contre-pouvoir face aux dirigeants. Elle permet de disposer d’une information fiable réalisée par des journalistes jouissant d’une réelle liberté d’opinion. Chaque citoyen peut ainsi prendre connaissance des politiques menées, les juger et les comparer à celles d’autres pays, découvrir les propositions alternatives des opposants. Il ne saurait donc exister de démocratie sans une authentique liberté d’informer et d’être informé. »
C’est pourquoi les atteintes à la liberté de la presse ne concernent pas que la presse. En effet, le droit à l’information et la liberté d’expression du citoyen sont tributaires de la liberté de presse. Les trois sont intimement liés.
Par Me Mohamed Traoré