Dans un contexte international marqué par le retour de la guerre froide, les moindres faits et gestes des uns sont observés par les autres. C’est ainsi la visite éclair du ministre russe des Affaires étrangères à Conakry n’est pas passée inaperçue. Cette visite intervient à un moment où, pour la première fois, un acteur politique majeur de la Guinée accuse ouvertement la France de soutenir la junte militaire guinéenne dont le discours ressemble fort à celui que l’autre junte avait tenu en 2009.

Diabaty Doré du RPR a dit tout haut ce que nombre de ses pairs murement tout bas. Tous soupçonnent la France de soutenir le Franco-guinéen revenu au pays avec femme et grade. Avec des missions diplomatiques dont le personnel passe la journée à tourner les pouces, il est inutile de dire que les espions et autres agents de services secrets remplissent les ambassades. Avec la mutation profonde que connait le nouvel ordre mondial, ces diplomates rendent compte les moindres détails. C’est autant dire que le Kremlin est déjà au courant qu’en Guinée la classe politique commence à pointer un doigt accusateur sur la France.

Cela veut clairement dire que l’ancienne puissance coloniale est prise dans un dilemme cornélien. Avec d’un côté, les acteurs politiques et sociaux qui la soupçonnent à tort ou à raison de soutenir la junte. Et de l’autre cette dernière qui envoie un message fort à Paris, avec les missions successives des ministres guinéen et russe dans les deux capitales respectives. Le ministre guinéen de la Sécurité et de la Protection Civile à Moscou et le ministre russe des Affaires étrangères à Conakry.

Il s’agirait donc, pour la junte, de faire chanter la France en lui disant que si jamais elle se mêle de la prolongation de la transition, la Guinée pourrait renouer avec son vieil ami russe et surtout basculer dans le camp de l’AES (Alliance des Etats du Sahel) qui fait le cauchemar de la France. C’est au compte de cette frilosité qu’il faudrait mettre le silence de la patrie des droits de l’homme après le retrait des agréments de trois principales radios privées de la Guinée ou encore le pavé dans la marre provoqué par le Premier ministre qui a mis sur la place publique un secret de polichinelle. 

En attendant de savoir quel est le camp que la France va choisir dans l’inévitable bras de fer qui se profile à l’horizon, chaque partie fait le mieux qu’elle peut pour obtenir le plus grand nombre de soutien. La junte sait que si elle continue à bénéficier de l’état de grâce à l’extérieur, c’est parce qu’elle a pris des engagements. Le jour où elle reniera ces engagements, elle pourrait être traitée comme ses homologues du Mali, du Burkina Faso et du Niger. D’ici là, les officiers guinéen et gabonais continuent à profiter du bénéfice de doute.

Mais cela ne va pas durer éternellement. Il va falloir un jour ou l’autre, choisir son camp. Celui de l’alternance ou celui de la dictature. D’ores et déjà, les actes posés jusqu’ici n’augurent rien de positif et de rassurant. Par conséquent, la rupture avec le monde libre n’est qu’une question de temps. Ce qui fera l’affaire de la Russie qui n’en a cure des droits de l’homme et de la démocratie. D’où son positionnement. Elle tente de rassurer qu’elle constitue un soutien et un rempart contre le monde occidental auquel elle veut rendre l’ascenseur ukrainien en Afrique. D’où les raisons de la visite du tout puissant ministre des Affaires étrangères russe qui poignarde ainsi la France en plein cœur.

Habib Yembering Diallo