Quand on coule et touche le fond, il y a deux possibilités : soit on s’enfonce, soit on rebondit. Sous la Guinée de Mamadi Doumbouya, le gouvernant creuse davantage et nous engloutit quotidiennement dans les abysses de la médiocrité et de la cupidité.

La stratégie de la junte militaire est au fond simple : multiplier les mesures liberticides les unes après les autres pour vérifier comment elles seront accueillies par le public. C’est ainsi que le brouillage des ondes, les nombreuses restrictions de l’Internet et le sabotage de certains médias se sont imposés aux Guinéens sans toutefois émouvoir outre mesure et rencontrer une résistance proportionnelle à l’affront fait à notre démocratie.  

A peine a-t-on le temps de s’indigner d’une mesure liberticide qu’arrive une autre tout aussi loufoque que la précédente si ce n’est plus. On a donc assisté, médusés, au retrait des agréments des Groupe Hadafo, GFM et Djoma le mercredi 22 mai dernier, puis au retrait des fréquences de ces médias sur instruction de l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications suivi du démantèlement des équipements de ces médias par son Directeur Général.

Le monarque Mamadi Doumbouya a pour l’heure réussi le pari de saper les fondements de la liberté de la presse-le droit d’informer et de s’informer- en faisant allègrement de la Guinée une prison à ciel ouvert et de ses compatriotes ses vassaux.

L’observation faite par une certaine partie de mes compatriotes m’a exaspéré au plus haut point. J’en ai souffert des jours durant sans décolérer. De loin, j’ai observé un peuple fataliste et résigné, disposé à étreindre de toutes ses forces la dictature. Un peuple prêt à tout accepter, surtout l’absurde.

 J’ai eu le cœur serré pour Aboubacar Diallo, Lamine Guirassy mais aussi pour Kalil Oularé quand j’ai vu certains de mes compatriotes leur proposer de faire une télé web en lieu et place de les aider à reconquérir leurs droits arrachés de haute lutte. J’ai vu des compatriotes s’en prendre à et se moquer de Jacques Lewa, Tamba Zackarie, Mohamed Mara et d’autres victimes, justifiant cela par l’existence de « VAR » les engageant oubliant qu’en situation d’injustice, c’est un devoir de s’aligner systématiquement sur l’opprimé. J’ai été ahuri par la rhétorique insipide et lâche de certains artistes qui marchaient sur des œufs en exprimant leur soutien et leur compassion à Lamine Guirassy. Que d’hypocrisie ! J’ai été abasourdi par la réaction du président de l’Urtelgui qui, s’en remettant au seigneur, a opté pour la négociation, mais quelle indignité !

Au même moment, j’apprenais que la bibliothèque vivante, le doyen MONENEMBO, s’était fait subtiliser son ordinateur qui contenait un manuscrit qu’il a mis trois ans à rédiger. Je fus envahi d’une immense tristesse. Que dire des accointances avec le pouvoir et certains de nos compatriotes qui combattent l’injustice et qui militent pour le retour diligent à l’ordre constitutionnel. La nuit, ils sont amis conseillers, griots, courtisans et lèche-bottes, des personnes qui ont bénéficié de décrets de la junte. Le jour, ce sont des combattants farouches de la démocratie et de la lutte contre la corruption.

 L’ignorance, l’obscurantisme, l’avidité, la cupidité, le larbinisme, la bassesse, voilà quelques-uns des traits caractéristiques de certains de nos compatriotes. Des thuriféraires des laquais de tout poil, complètement aveuglés par le gain facile et animés d’une complaisance incurable. Cette catégorie de Guinéens ne mérite que des individus corrompus qui compromettent l’avenir du pays. Des bourreaux qui sucent son sang, nous offrent une école au rabais, jettent la jeunesse guinéenne dans les fonds marins de la Méditerranée. Cette partie toxique du peuple n’aspire pas à construire une société meilleure. Elle aspire uniquement à profiter d’un système tordu qu’elle a tout intérêt à voir s’enraciner durablement pour satisfaire sa cupidité. Le salut viendra inéluctablement de la partie saine de ce peuple. C’est pourquoi il ne faut pas désespérer de la Guinée, et bien au contraire garder espoir, en s’armant de la même détermination qu’ont aujourd’hui les démocrates et patriotes du pays.

Sékou Koundouno